Intervention de Maya Bacache-Beauvallet

Réunion du mardi 27 mars 2018 à 8h30
Commission des affaires sociales

Maya Bacache-Beauvallet :

Vos questions sont à la fois complexes et passionnantes !

La question la plus technique concerne le déficit structurel. Pour les économistes, le passage sous la barre des 3 % est un énorme progrès. Le déficit annuel ne fait pas débat. Il est facile de le calculer – c'est une expression comptable – et de savoir si un pays respecte ce critère, ou pas.

À l'inverse, le déficit structurel est une notion théoriquement claire, mais empiriquement extrêmement compliquée à calculer et appliquer. Aucun calcul n'est complètement consensuel et un pays peut toujours en revoir les modalités. Son application est donc plus complexe, mais également plus juste. Pourquoi ? Sans entrer dans des explications sans fin, les dépenses publiques doivent être contracycliques : en période de crise économique, elles viennent amortir les chocs. En période de croissance, les dépenses publiques diminuant, le budget est également contracyclique. Une contrainte purement nominale et annuelle sur un déficit sera donc assez inefficace. En conséquence, la notion de déficit structurel est une amélioration par rapport à la situation antérieure, mais il reste extrêmement complexe de calculer ce déficit et le PIB potentiel ; vous avez raison et votre constat fait consensus, ce qui explique les débats récurrents à ce sujet.

On aurait certainement pu faire mieux. Certains avaient défendu l'idée de mesurer plus précisément l'effort structurel, en ne se focalisant pas sur la croissance potentielle, mais en évaluant la démarche et la politique structurelle d'un gouvernement pour réduire ses dépenses publiques.

Concernant le niveau du déficit à 2,6 %, là encore, si le débat est vif depuis vingt-quatre heures, j'espère que mes propos précédents sur les prévisions vous auront permis de comprendre qu'il est également logique. Je ne veux pas me prononcer à la place du Haut Conseil ou de la Cour des comptes. Je dirai simplement que ce taux de 2,6 % est le niveau nominal de notre déficit conjoncturel – la part du structurel y est faible... Vous l'avez rappelé, le niveau de dépenses, comme celui des prélèvements obligatoires, a augmenté depuis l'an dernier. L'ajustement n'est donc pas structurel : l'évolution du PIB a simplement été légèrement meilleure que prévue.

Bien sûr, les prévisionnistes peuvent se tromper, mais il me semble que ce n'est pas le sujet. L'objectif du TSCG n'était pas que les organismes indépendants ainsi créés ne se trompent pas dans leurs prévisions, mais que les gouvernements de la zone euro produisent des budgets et des projets de loi de finances plus sincères.

Vous m'interrogez sur l'extension des missions – aujourd'hui très restreintes – du Haut Conseil. Au moment de sa création, il est vrai que nous étions plusieurs à estimer délicat de le cantonner à la vérification de la sincérité de la prévision du PIB potentiel car il est complexe de séparer la prévision de la prescription – ce qui explique peut-être parfois ses difficultés à rester dans ce cadre.

Vous l'avez rappelé, d'autres pays ont fait des choix très différents. Dans certains – Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique –, les équivalents du Haut Conseil gèrent également les prévisions. En France, le Haut Conseil ne produit même pas les prévisions ; il vérifie simplement que la prévision du Gouvernement est cohérente avec l'ensemble des prévisions d'autres organismes – OCDE, Commission européenne, Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), banques, etc.

On pourrait imaginer un rôle prescriptif plus fort du Haut Conseil. Ce n'est pas le choix qu'a fait la France. Qu'est-ce que j'en pense ? Je suis attachée à l'équilibre des pouvoirs et à la séparation institutionnelle. La démocratie gagne à clarifier les missions de chacun et à bien séparer les fonctions : la Cour des comptes a son rôle, le Parlement définit les politiques, le Haut Conseil s'assure de la crédibilité budgétaire. Le maintien de cet équilibre est important.

Monsieur Gaillard, le chantier de la dette locale reste à mener... Lorsqu'on analyse les dépenses publiques de moyen terme, celles de l'État central ont été rationalisées à plusieurs reprises – avec la LOLF ou la révision générale des politiques publiques (RGPP). En raison de choix politiques et historiques de socialisation des dépenses sociales, le budget de la sécurité sociale est plus important en France que dans d'autres pays européens. Les collectivités locales, quant à elles, n'ont pas mené ce travail de rationalisation.

La question de l'accompagnement des parlementaires est extrêmement intéressante. Je n'aurai pas de réponse évidente à ce stade, j'insisterai simplement sur l'importance de la séparation du parlementaire et de l'expert. De mon point de vue de non-parlementaire, le parlementaire ne doit pas uniquement être un expert. En revanche, l'audition d'experts est très utile. Je prêcherai là pour ma chapelle : les chercheurs ont un rôle à jouer ! J'ai toujours été frappée par la faible place des professeurs et chercheurs en économie dans l'accompagnement des parlementaires, en comparaison de celle des métiers de conseil ou des institutions. Beaucoup de chercheurs ont envie d'accompagner les parlementaires, comme ceux de l'Institut des politiques publiques (IPP) rattaché à l'École d'économie de Paris, ou ceux du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP). Ils mènent un travail de vulgarisation et d'accompagnement dont tout le monde profiterait.

Monsieur Vigier, s'agissant du numérique, la transparence des données est un sujet-clef. Qu'est ce qui empêche nombre d'organismes ou de chercheurs de faire des prévisions ? Pourquoi le PLF n'est-il pas évalué par des chercheurs ? Tout simplement parce que nous ne disposons pas des données... Le ministère des finances et les administrations ont accès à ces données, auxquelles les chercheurs n'ont, eux, pas accès. Le débat a déjà eu lieu dans le cadre de la discussion sur le projet de loi pour une République numérique et cela n'est toujours pas complètement réglé. Pourtant, la transparence des données contribuerait à l'amélioration du débat démocratique. Aux États-Unis, le Billion Prices Project développé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) permet désormais aux chercheurs de contourner les statistiques publiques, afin de calculer des indicateurs de prix ou de PIB potentiel en analysant les données de Big Data – par exemple celles liées aux achats du e-commerce. Cela pose d'ailleurs de nombreux problèmes de déontologie et d'éthique. En tout état de cause, les enjeux sont absolument colossaux.

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