Le mois dernier, lors des questions au Gouvernement, j'ai interpellé le Premier ministre sur les souffrances endurées par le monde rural. Certes, sur de nombreux sujets, le volontarisme et les choix du Gouvernement sont cohérents et devraient donner des résultats concrets. Mais sur l'agriculture, ce n'est pas la même impression qui prédomine… Depuis le début de l'année notamment, les difficultés et les doutes se sont accumulés : révision du zonage de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN), « plan loup », écho inquiétant des négociations avec le Mercosur, etc.
Les attentes étaient extrêmement fortes lorsqu'ont été lancés les États généraux de l'alimentation. Nous sommes à un moment crucial. Ces États généraux vont-ils déboucher sur du concret ? Ce projet de loi sera-t-il une loi agricole de plus, ou le début d'une véritable solution pour un secteur économique qui souffre ?
Les pistes proposées, en particulier l'inversion de la construction du prix, sont porteuses d'espoir, la priorité restant à nos yeux d'assurer un revenu décent aux agriculteurs français.
Selon la Mutualité sociale agricole (MSA), un tiers des agriculteurs touche moins de 350 euros par mois. Il est heureux que nous soyons nombreux à le dénoncer. Mais nous ne devons pas nous habituer à ces chiffres ; il nous faut oeuvrer pour qu'ils remontent.
Les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants abordent ce projet de loi avec lucidité. Il ne manque pas d'intérêt, mais il mérite d'être complété et précisé pour ne pas se limiter à un simple texte d'ajustement technique. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur votre écoute.
Nous souhaitons, par exemple, que soit ajouté à ce texte un volet dédié à la simplification administrative. Il reste beaucoup à faire pour réduire les normes qui pèsent sur nos agriculteurs, et qui minent leur compétitivité par rapport à celle de nos voisins européens.
Certaines de ces normes résultent de surtranspositions de textes européens. Il faut absolument procéder à un nettoyage du stock et du flux, pour corriger cette mauvaise habitude française. Vous vous y étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, tout comme le Président de la République et le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Malheureusement, les articles relatifs aux produits phytopharmaceutiques participent, en quelque sorte, de cette logique.
Les chantiers de la fiscalité agricole et de la protection du foncier sont également essentiels, même s'ils ne relèvent pas directement de ce projet de loi puisque des réflexions sont en cours sur ce sujet. Nous y serons attentifs.
Sur la seconde partie du texte consacrée à l'alimentation, et qui intéresse aujourd'hui notre commission, nous souhaitons insister sur trois points.
Premièrement, si la consommation de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective doit être en effet encouragée, la consommation de produits issus de l'agriculture locale doit l'être au moins autant. Prenons garde à ne pas rendre ces deux objectifs incompatibles, en tout cas à les opposer.
Deuxièmement, l'interdiction de rabais et autres remises d'échantillons gratuits phytosanitaires s'attaque aux symptômes, et non à la cause. Les agriculteurs n'utilisent pas les pesticides par pur plaisir, ils ont leur libre arbitre. Aidons-les plutôt à accéder à des alternatives efficaces — sans surtransposer par rapport aux exigences européennes. À ce propos, monsieur le ministre, que va-t-on leur proposer comme alternative au glyphosate dans trois ans ? Comme vous, je suis opposée au glyphosate. Mais où en est la recherche, qui pourrait aider les agriculteurs ?
Troisièmement, la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytosanitaires a un côté kafkaïen. Elle risque d'entraîner une complexification, sans que les effets attendus aient été clairement identifiés dans l'étude d'impact. Bref, nous avons un certain nombre d'amendements à déposer, et nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez nous écouter.