Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 3 avril 2018 à 15h00
Débat sur l'application d'une procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Des arguments fumeux, j'en ai entendu quelques-uns à la tribune. On ne serait pas assez dur en matière pénale et le problème tiendrait à la rareté des peines de prison. Au même moment, on mène un débat sur le fait qu'on incarcère trop de personnes pour de courtes peines, et voilà qu'on remet la question sur la table. J'appelle à un minimum de cohérence ! Le constat a été rappelé : 17 millions d'expérimentateurs, 5 millions d'usagers dans l'année, 700 000 usagers quotidiens et un arsenal répressif toujours plus puissant. On a aussi une augmentation très forte des infractions relatives à la législation sur les stupéfiants : 200 000 cas sur l'année dernière, et le chiffre ne cesse de croître. La répression policière sur le terrain – le fait d'arrêter physiquement les gens – n'a cessé d'augmenter, et pourtant la consommation ne se réduit pas, y compris chez les mineurs. Nous détenons un autre triste record européen : celui de l'usage de psychotropes légaux, c'est-à-dire de médicaments. Il faudrait peut-être se poser une question plus générale sur le mal-être au sein de la société, car ce phénomène ne se rencontre pas dans tous les pays européens.

Je me réjouis d'entendre Gérard Collomb annoncer que le ministère de l'intérieur arrête la politique du chiffre ; les infractions à la législation sur les stupéfiants en constituant le gros des bataillons, il faut un minimum de cohérence. Mais cette proposition d'amende forfaitaire me semble inefficace, notamment en matière de santé. En effet, les magistrats prononçaient malgré tout quelques obligations de soins, quoique trop rarement ; avec l'amende forfaitaire, ce sera terminé. Pourtant, on trouve en Europe des exemples intéressants : le Portugal a ainsi décriminalisé toutes les pratiques de consommation, faisant baisser de moitié le nombre d'héroïnomanes dans le pays, qui s'élevait à 100 000 – un chiffre très élevé par rapport à la population. Mais en matière de cannabis règne l'hypocrisie : dans n'importe quel bureau de tabac de France, vous trouvez des feuilles longues sans aucune difficulté. Le cannabis et les stupéfiants en général représentent dans notre pays un marché d'un milliard d'euros. Nous avons beaucoup débattu de ce sujet à la France insoumise – cette interrogation traverse toutes les familles politiques – , et nous sommes parvenus à la proposition de légalisation du cannabis, qui nous semble représenter la meilleure solution pour la santé publique. En vérité, je ne connais aucun trafiquant qui serait pour la légalisation du cannabis ; partant, soit on veut lutter contre le trafic, soit on préfère rester dans l'hypocrisie. Je sais que vous êtes un certain nombre à tenir des propos dans l'hémicycle tout en pensant le contraire au fond de vous-mêmes, car vous n'êtes pas complètement déconnectés de la société. Mais vous êtes maintenant au milieu du gué et il va falloir choisir.

De plus, l'argent accumulé par les trafiquants finit dans les paradis fiscaux, car c'est toujours là qu'on arrive au bout de la chaîne. Une légalisation du cannabis, un marché encadré par l'État de la production à la vente, y compris pour l'usage récréatif : voilà qui sortirait de l'hypocrisie et permettrait de réguler la consommation ! Avec les recettes fiscales qu'elle engendrerait, cette mesure permettrait de renforcer les dispositifs de prévention et de santé, de démanteler les trafics et de concentrer les effectifs de police et de justice sur les trafics des drogues dures et les trafics restants des drogues douces. Elle permettrait également de maîtriser la composition des produits, car on y trouve tout et n'importe quoi. Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à la légalisation du cannabis et non à l'amende forfaitaire – que nous conserverions peut-être pour les autres drogues. En tout état de cause, l'objectif reste celui de santé publique ; tant que les lignes budgétaires suffisantes et conséquentes feront défaut, tant que les personnes concernées ne seront pas correctement prises en charge, tout cela ne sera que tartufferie.

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