Comme ils l'ont indiqué devant la commission des lois, les rapporteurs se sont penchés uniquement sur l'application d'une amende forfaitaire, et non sur la question plus large, mais fondamentale, de notre rapport aux drogues ni sur les politiques que nous menons.
En la matière, un premier constat s'impose : la prohibition ne fonctionne guère. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon le dernier rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, ce sont 5 millions de Français qui déclarent avoir consommé au moins une fois du cannabis en 2016 et 1,4 million au moins dix fois dans l'année. En tout, 17 millions de Français déclarent avoir déjà fumé du cannabis dans leur vie.
Le phénomène, qui touche l'ensemble des catégories sociales, est donc massif et indéniable ; il appelle une réflexion sur l'approche que nous devons adopter.
Se posent plusieurs questions.
D'abord, pour ce qui est de la santé, les professionnels nous alertent, avec raison, sur les dangers de ces produits. Toutefois, il faut aussi considérer les ravages, notamment sur nos jeunes, de la consommation des produits actuels, qui sont souvent coupés avec des substances très dangereuses.
La deuxième question qui se pose est celle de l'impact de la politique actuelle sur la sécurité. Il nous faut, non pas renoncer, loin de là, mais repenser notre approche. La question de la dépénalisation, voire de la légalisation de l'usage du cannabis, associée à une politique de prévention efficace, se posera tôt ou tard en France, comme elle s'est posée en Allemagne, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, au Portugal et dans plusieurs États américains, pourtant meneurs dans la lutte contre le trafic de drogue.
Pour traiter toutes ces questions, un grand débat apaisé et réfléchi sera à mon avis indispensable. Il faut en finir avec les non-dits qui caractérisent aujourd'hui notre politique à l'égard du cannabis. Nous ne pouvons plus nous réfugier uniquement derrière une prohibition qui crée une économie souterraine, déstabilise certains quartiers et engendre l'insécurité et les violences inhérentes aux trafics illégaux.
Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement compte ouvrir un grand débat, avec tous les acteurs du corps social et les pouvoirs publics, afin que nous puissions aborder la question sereinement et envisager des réponses adaptées à cette problématique ? Nous pourrions le faire après l'évaluation des mesures que vous allez proposer au Parlement.