Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 9h30
Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, vous avez le bonjour de Nathalie.

Nathalie travaille comme technicienne « méthode de production » à l'usine Maggi de mon village d'Itancourt. Avant 2012, elle arrivait à gagner en sus de son salaire 80 à 100 euros par mois en fonction des commandes de bouillons « KUB OR » qu'elle produit sur sa ligne. Cet argent, Nathalie ne le cachait pas dans un bas de laine sous son oreiller, non : elle le réinjectait dans son caddie Intermarché ou dans les études de son fils.

Chers collègues, vous avez le bonjour d'Alain. Alain, c'est cet artisan plombier chauffagiste chez qui j'étais il y a encore quelques jours dans le cadre de la « semaine de l'artisanat » et qui me confiait que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires avait eu deux effets dans sa profession : l'accroissement du nombre d'heures non déclarées chez certains professionnels, et le refus de certains chantiers en raison des pics d'activité.

Cinq ans après cette décision du gouvernement précédent, quelle est la situation ? La France connaît une reprise économique, avec des indicateurs au vert et un taux de croissance qui a atteint les 2 % en 2017. La France va donc mieux statistiquement, mais les Français ? Rien n'est moins sûr, car cette reprise repose pour l'heure essentiellement sur l'investissement de l'État et des entreprises, et sa pérennité reste menacée par la faiblesse de la consommation des ménages, qui reste, comme l'an dernier, la grande absente de la croissance française.

La faiblesse de la consommation – encore en recul en 2017 et en ce début d'année 2018 – résulte d'un pouvoir d'achat en berne : hausses d'impôts de la précédente majorité, hausse du prix du fuel, des timbres, des péages, des cigarettes, des mutuelles… Bref, hausse de tout en même temps.

Certes, les cotisations sociales baissent, mais de façon progressive, contrairement à la CSG dont la hausse fut immédiate au 1er janvier 2018. Les interpellations régulières sur la politique gouvernementale en matière de pouvoir d'achat traduisent les craintes tout à fait légitimes des classes moyennes. Madame la ministre, chers collègues de la majorité, ne faites pas des classes moyennes les grandes oubliées de ce quinquennat !

Ces multiples constats rendent d'autant plus incompréhensible le rejet d'une mesure à la fois plébiscitée et attendue par les classes moyennes et les travailleurs modestes. Je parle bien sûr de la proposition de loi du groupe Les Républicains visant à instaurer l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires que nous examinons aujourd'hui.

Cette mesure est plébiscitée parce qu'elle a déjà fait ses preuves entre 2007 et 2012, en application de la loi TEPA – travail, emploi et pouvoir d'achat. Celle-ci avait rempli tous les objectifs qu'elle s'était assignés : augmentation de la durée du travail, gains immédiats de pouvoir d'achat et renforcement de la compétitivité des entreprises.

Pour les ménages, cette mesure représente tout d'abord un soutien concret au pouvoir d'achat. Comme je l'ai rappelé au Gouvernement la semaine dernière, c'est un apport non négligeable pour ceux qui n'ont pas droit à des aides. C'est une mesure vertueuse d'accompagnement social qui reconnaît la valeur du mérite et du travail.

Pour un célibataire effectuant 35 heures payées au SMIC, quatre heures supplémentaires par semaine se traduiraient par un gain annuel de 800 euros au titre des seules exonérations, s'ajoutant à la rémunération elle-même majorée des heures supplémentaires ! En revanche la « désocialisation » simple, telle qu'envisagée par le Gouvernement, procurerait un gain net moitié inférieur, sans compter les impôts supplémentaires. Lorsqu'une entreprise décide de recourir aux heures supplémentaires, elles sont obligatoires pour les salariés. Alors, autant les rendre les plus avantageuses possible pour tous !

S'agissant des entreprises justement, cette mesure renforce indéniablement leur compétitivité, plus spécialement celle des TPE et PME, les plus concernées par le dispositif. Faire appel aux heures supplémentaires est une décision ponctuelle qui résulte d'un accroissement d'activité. Quand votre carnet de commandes se remplit, il serait totalement absurde de refuser des clients qui pourraient par la suite revenir accompagner le développement de l'entreprise et permettre d'embaucher de façon durable.

Par ailleurs, l'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires est un moyen de lutter contre le travail non déclaré, notamment chez les artisans. Si le travail au noir s'accompagne pour certains d'un regain de pouvoir d'achat, il est risqué et ne participe pas au financement de la sécurité sociale. Tout ce qui permet de le limiter est donc bon à prendre.

Au cours de mes « auditions de terrain », comme j'aime les appeler, et à la lecture des études sur l'impact de la loi TEPA, j'ai évidemment pris conscience des risques d'effet d'aubaine. C'est pourquoi la proposition de loi examinée aujourd'hui introduit une innovation : le contingentement. Il s'agit de plafonner le nombre d'heures éligibles aux réductions d'impôts et aux exonérations de cotisations, cela étant négociable au niveau de l'entreprise. À défaut d'accord, il est fixé par décret à 220 heures. Ce garde-fou permet à la fois de limiter les effets d'aubaine, de contenir le coût de la mesure pour les pouvoirs publics et de réaffirmer notre confiance en la négociation collective : qui pourrait donc en contester la pertinence ?

Cette mesure est également attendue, car annoncée depuis longtemps. Honnie en 2012, elle a connu un étonnant retour en grâce auprès de plusieurs forces politiques lors des campagnes présidentielle et législatives de l'an dernier.

Cette mesure de bon sens recueille donc l'assentiment d'un grand nombre de parlementaires. Elle devrait logiquement obtenir le soutien des députés de la majorité comme des membres du principal groupe d'opposition.

Elle devrait aussi compter sur le soutien du Premier ministre Edouard Philippe et sur celui du ministre Gérald Darmanin, eux qui, en 2013, alors députés, ont cosigné cette proposition de loi, présentée par un certain Bruno Le Maire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.