Intervention de Damien Pichereau

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Augmentation du pouvoir d'achat grâce à la création d'un ticket-carburant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau :

Monsieur le rapporteur, cette proposition de loi, qui vise à « la création d'un ticket-carburant », procède d'une idée louable – tellement louable qu'elle ressemble fortement au dispositif du chèque transport que vous aviez mis en place en 2006, lorsque vous étiez dans la majorité. Pour quels résultats ? Pas grand-chose, car ce dispositif trop complexe n'avait pas été repris par les entreprises et avait d'ailleurs été abandonné deux ans plus tard, toujours par votre majorité. À l'heure où la société appelle de ses voeux à une certaine simplification, adopter votre proposition de loi serait envoyer un mauvais signal à nos entreprises.

Votre idée, monsieur le rapporteur, est si louable que les objectifs que vous poursuivez sont déjà prévus par les textes. En effet, l'article L. 3261-3 du code du travail dispose que l'employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation de véhicules électriques ou hybrides que son employé engage pour les déplacements entre son lieu de résidence et son lieu de travail, et ce dans deux cas : premièrement, si l'un ou l'autre de ces lieux est situé en dehors de la région Île-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par la loi ; deuxièmement, lorsque l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport. Par ailleurs, en vertu de l'article 81 du code général des impôts, l'employeur peut également, sous certaines conditions, verser une prime de transport dont le montant est exonéré de cotisations et d'impôt sur le revenu, dans la limite de 200 euros par an.

De surcroît, votre proposition de loi précise que ce complément de rémunération est exonéré d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, mais dans la limite de 15 euros par ticket seulement.

Votre texte a néanmoins le mérite de souligner la nécessité de mettre fin aux zones blanches en matière de mobilité, ce que Mme la ministre chargée des transports, tout comme le Premier ministre, ont souligné dès le lancement des Assises nationales de la mobilité, il y a sept mois.

Si nous partageons l'objectif de permettre à chaque Français d'accéder à la mobilité, de lutter contre cette assignation à résidence, nous n'approuvons pas les moyens que vous proposez. Soyons ambitieux ! Profitons de ce débat pour nous engager en faveur d'une mobilité plus propre, plus durable, plus soutenable, plus intermodale, plus connectée et plus solidaire. Tel sera l'objectif du futur projet de loi d'orientation sur les mobilités, que nous examinerons dans les mois à venir.

Pour lutter contre les zones blanches, il convient de ne pas se résigner à la solution de facilité qu'est l'autosolisme. Au contraire, nous devons mettre en oeuvre les dispositions nécessaires pour développer les alternatives au fléau tant écologique qu'économique de l'autosolisme, par les transports en commun, le covoiturage, l'autopartage mais aussi, par exemple, par le télétravail. Changeons de paradigme ! Plutôt que de prévoir des mesures « pansement » pour les territoires non couverts par des autorités organisatrices de la mobilité, attaquons-nous au fond du problème et faisons-en sorte – je pense que vous en serez d'accord, monsieur le rapporteur – que l'ensemble de notre territoire national soit couvert par l'une de ces autorités.

De même, plutôt que de subventionner les déplacements professionnels de nos concitoyens, aidons-les à acquérir une voiture moderne, qui consommera moins et émettra moins de gaz à effets de serre, et incitons-les à recourir au transport collectif. Bref, en matière de mobilité, il nous faut changer de logiciel, de manière de penser. Votre proposition de loi reste fortement ancrée dans le passé, sans être à la hauteur des défis sociaux et environnementaux qui se présentent à nous.

Pour une mobilité plus durable, notre majorité et le Gouvernement s'engagent d'ores et déjà sur les enjeux climatiques qui nous obligent, notamment dans le cadre du plan climat présenté par le ministre d'État Nicolas Hulot en juillet dernier. Citons tout d'abord la prime de conversion, qui permet d'opérer une transition du parc automobile français à grande échelle vers des véhicules moins polluants et moins consommateurs de carburant. Pensons également à la mise en place du bonus écologique, qui permet la prise en charge de 27 % du coût d'acquisition d'un véhicule électrique acheté ou loué, ou bien encore à notre implication en faveur des déplacements à vélo, électrique ou non, par l'indemnité kilométrique vélo, actuellement à l'étude.

Cette proposition de loi n'apporte finalement pas grand-chose de novateur, si ce n'est un dispositif hybride, qui propose la modification de dispositions existantes. Elle peut même se révéler contre-productive : en son article 3, elle propose de déduire le financement des tickets-carburant de la contribution au titre du versement transport, qui constitue la principale source de financement de l'investissement et du fonctionnement des transports collectifs, ce qui remettrait en question l'équilibre du financement des transports en commun. Pour ces raisons, il n'est pas souhaitable d'adopter cette proposition de loi.

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