Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Augmentation du pouvoir d'achat grâce à la création d'un ticket-carburant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes amenés à examiner une proposition de loi visant à lancer une expérimentation sur un système de ticket-carburant finançant les frais de transport individuel. Lors de l'examen du texte en commission, les commissaires aux affaires sociales de la majorité ont rejeté le texte pour plusieurs raisons techniques, mais aussi parce qu'il est à l'opposé du travail mené par le Gouvernement depuis plusieurs mois sur la question du coût des déplacements et sur celle du dialogue social.

Nous avons un objectif partagé : libérer du pouvoir d'achat des Français, en s'attaquant à tous les sujets, et celui de l'essence en est un très important. Habitante d'un village situé dans un territoire dit hyper-rural, c'est une problématique que j'expérimente tous les jours, comme la plupart des personnes qui y vivent. Je parle donc en connaissance de cause et m'interroge sur un dispositif qui pousse à la combustion de pétrole, et donc à l'émission de CO2, et qui en même temps – pardonnez-moi l'expression ! – constitue une véritable usine à gaz pour les entreprises, lourde à mettre en place pour les TPE et les PME qui ont besoin de mesures de simplification.

En la matière, le chemin que nous proposons est tout autre : nous visons des mesures qui favorisent le pouvoir d'achat des Français, notamment celui des plus modestes, en les corrélant avec des dispositifs ambitieux en faveur de la transition énergétique.

Monsieur le rapporteur, votre dispositif vise à faire porter une partie du coût du carburant sur les entreprises, à la place de leurs employés. Nous savons que ce débat vous est cher. Sous la précédente législature, une proposition de loi quasiment identique avait été déposée par un député Les Républicains et votre groupe, à l'époque, n'avait pas jugé utile de la soumettre au débat. En 2006, il y a douze ans, le Gouvernement Villepin avait fait adopter un dispositif équivalent, le chèque-transport, qui a été abandonné seulement deux ans après sa création, car il était rejeté par les entreprises qui le jugeaient trop complexe et impossible à mettre en oeuvre.

Vous faites donc, sur ce sujet, oeuvre de persévérance. Persévérance qui aurait été utile si rien n'était mis en oeuvre, si un débat était nécessaire sur la question, si on était là, cet après-midi, pour créer un droit nouveau pour les salariés. Or, notre code du travail contient déjà des dispositions permettant, voire obligeant, une prise en charge des frais de transport personnels par l'employeur. Nous-mêmes, puisque nous employons nos collaborateurs, nous sommes amenés à connaître ces dispositifs : indemnité kilométrique, remboursement des frais réels, prime de transport. Dans le cadre du dialogue social, il existe la possibilité de négocier avec son employeur la prise en charge des frais de transport.

À quoi bon, alors, proposer un dispositif tel que le vôtre, qui contrevient à notre volonté commune et partagée de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et qui serait lourd à mettre en oeuvre pour les entreprises, surtout les plus petites, qui devraient passer par un prestataire extérieur coûteux ? De plus, il faut une politique ambitieuse de mobilité et, pour cela, il est nécessaire de sortir des moyens de transport exclusivement individuels. Il faut travailler sur les mobilités du quotidien, qui faisaient l'objet des Assises nationales de la mobilité et qui seront celui de la loi d'orientation sur les mobilités, dont nous serons amenés à débattre en fin d'année

Nous pensons que les politiques publiques doivent être en adéquation avec les réalités territoriales, en s'appuyant sur les dynamiques locales. Il faut que les régions se mobilisent pour offrir les moyens de transports en commun adaptés à chaque territoire. Là où les transports collectifs sont peu nombreux, de nouveaux modes de déplacement se sont développés, comme le covoiturage et l'autopartage. Il existe des applications, dédiées et fonctionnelles, des parkings adaptés ou des bornes de recharge électrique.

Les acteurs institutionnels ont souvent contribué à financer ces dispositifs au titre de la transition énergétique. C'est le cas dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, où le conseil départemental accompagne ces actions et ces réalisations, et même les promeut. Nous devons soutenir ces initiatives qui sortent d'une conception individualiste de la mobilité et qui permettent de diminuer la production de gaz à effet de serre, de créer du lien par la culture du partage et de faire des économies. Au lieu de proposer une aide au carburant qui incite à utiliser un moyen de transport individuel polluant, il vaut mieux inciter les entreprises qui le peuvent à développer le télétravail. C'est l'un des volets des ordonnances, que nous avons longuement débattues. Bien sûr, pour cela, il faut garantir un accès à l'internet à haut débit partout, l'objectif d'une couverture totale ayant été fixée à 2022.

En conclusion, sans négliger le poids financier que représentent encore les déplacements professionnels pour un salarié, il existe déjà des mesures de participation financière de l'employeur ; surtout, cette proposition de loi ne s'inscrit pas dans le sens de la nécessaire transformation énergétique que nous devons tous engager en repensant nos déplacements et nos habitudes.

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