Je vous trouve très sympathique, madame la présidente, et pleine d'idées intéressantes. Votre rapport n'est pas inutile, car il donne une vision assez originale de la politique migratoire en essayant d'internationaliser cette question. Néanmoins, mon groupe ne pourra pas voter ce texte. Je suis bêtement juriste, en effet : quand je vote, j'essaie de voir si l'on peut appliquer ce qui nous est proposé. Or ce ne sera pas le cas avec ce projet de loi. Vous avez d'ailleurs eu le mérite de ne pas l'examiner sous cet angle – il reviendra à la commission des lois de le faire, et nous y siégerons.
Il y a tout de même un point sur lequel vous faites oeuvre utile en la matière. À la page 90 de votre rapport, un tableau fait apparaître le nombre moyen d'obligations de quitter le territoire délivrées chaque année entre 2010 et 2016 dans un certain nombre de pays européens et le nombre moyen de départs effectifs sur cette même période. Les chiffres sont terribles : la France a signifié 81 489 obligations de quitter son territoire chaque année, dont environ 18 000 ont été exécutées.
Il faudrait d'ailleurs revoir ces chiffres car on sait bien comment le ministère de l'intérieur les produit. Le total des départs comprend notamment 8 000 Albanais qui reviennent aussi nombreux chaque année, via Brindisi, d'où ils sont renvoyés par les Italiens avec un peu de monnaie en poche. Ayant écrit plusieurs rapports sur ce sujet, je peux vous dire que les départs effectifs sont en réalité bien inférieurs.
Si l'on conserve comme référence le chiffre de 18 000, néanmoins, on arrive à un taux de décisions effectives de 23 %. En Allemagne, un peu plus de 30 000 décisions ont été exécutées sur un total d'environ 34 000, soit près de 89 %. Il y a donc un problème en France. J'observe que la Grèce fait un peu mieux que nous, comme à peu près tout le monde d'ailleurs – sauf la Belgique, où l'on sait que la situation n'est pas très bonne, et le Portugal, avec respectivement 17 % et 15 % de départs effectifs. Nous faisons donc partie des derniers du classement.
Pourtant, nous consacrons à cette politique des moyens assez considérables, qui sont au moins équivalents à ceux déployés par d'autres pays de l'Union européenne. Il y a un problème majeur que ce projet de loi n'explicite malheureusement pas, voire qu'il aggrave. Son titre évoque une « immigration maîtrisée » alors que nous en sommes incapables. Certains ont des droits et d'autres non, mais nous ne parvenons pas à régler la question. Par conséquent, le titre du projet de loi est certes classique, mais fallacieux : on ne fait qu'enrober la réalité.
Enfin, je souhaite sincèrement que l'Union européenne ne soit pas polluée par les divagations françaises. Je répète, en effet, tout le mal que je pense de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) : que Dieu nous garde d'un OFPRA européen (Murmures). Je le dis au sens générique du terme, et même athée.