Intervention de Laurence Dumont

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Je souscris à ce que vous dites, madame la présidente, sur l'intervention de M. Leroy, mais j'aborderai l'autre question de fond : est-il admissible de traiter de l'asile et de l'immigration dans le même texte ? C'est une faute, c'est une erreur absolue. Si on veut tenter d'éclairer l'opinion publique, mélanger dans un même texte la question des migrants et celle des réfugiés est vraiment la chose à ne pas faire.

En matière d'asile, il s'agit de respecter des engagements internationaux auxquels nous avons souscrit volontairement en 1951. Et il s'agit de répondre à tous nos engagements, nous y reviendrons dans l'hémicycle – je passe sur l'action du Gouvernement depuis son arrivée aux responsabilités car ce n'est pas le lieu, mais il y aurait tant à dire…

Les associations et les institutions sont unanimes à s'interroger : quelle est la raison d'être de ce texte précipité, alors que le bilan, nécessaire, des deux lois adoptées en 2015 et 2016 n'a pas encore été fait ? C'est un acte politique, sans doute inconstitutionnel par certains côtés, répressif évidemment, qui bafoue les règles élémentaires de l'asile.

Je trouve incompréhensible que notre commission des affaires étrangères – j'y viens – ne soit saisie que de ces cinq articles sans cohérence les uns avec les autres. D'ailleurs, ils n'ont pas suscité de commentaires du Conseil d'État ni des autres instances ou des associations. Et pour cause : le problème ne réside pas dans ces articles ! Je cherche la cohérence de cette saisine sur des articles qui ne concernent que le droit au séjour et aucun de ceux qui font le plus débat dans le titre III du projet de loi.

L'article 23, sur la suppression de la possibilité pour le demandeur d'asile de demander aussi son admission au séjour dans les mêmes délais, aura pour conséquence, en cas de refus de l'asile, d'empêcher la sollicitation d'un titre de séjour et expose les étrangers malades à un véritable risque. L'article 24 vise à unifier les titres de séjour pour mineurs, mais, si l'on se réfère à l'avis du Conseil d'État, il s'agirait non pas d'une simplification mais d'une restriction apportée à la circulation des mineurs à Mayotte. L'article 27 habilite le Gouvernement à modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) par voie d'ordonnances. L'article 28 durcit les conditions d'obtention d'une carte de séjour : il faudra maintenant le SMIC. L'article 30 conditionne la délivrance du titre de séjour de parent d'enfant français à la justification de la contribution effective à l'éducation et l'entretien de l'enfant et met en place un dispositif d'alerte du procureur pouvant aboutir au refus de la reconnaissance de l'enfant, ce qui est contraire à l'intérêt de l'enfant, et sans doute inconstitutionnel. Enfin, il est inédit, incompréhensible en tout cas, que la commission ne se prononce pas sur les dispositions relatives à l'asile. Le 14 mars dernier, madame la présidente, vous aviez dit devant notre commission que nous avions des choses à dire sur ces questions. Effectivement, nous en avons : ce sont les dispositions les plus unanimement contestées par les autorités administratives indépendantes, le Conseil d'État, les avocats, les associations, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). La bonne application de la Convention de Genève est au coeur de la mission de celui-ci. Je ne citerai qu'une phrase de son avis, que vous avez lu : « certaines dispositions du projet de loi pourraient conduire à une réduction de garanties à l'accès à une procédure d'asile juste et équitable ». C'est le HCR qui parle, ce n'est pas Laurence Dumont ! Ce texte pose donc énormément de problèmes, que nous examinerons malheureusement ailleurs – notamment dans l'hémicycle –, faute de pouvoir le faire ici.

J'espère aussi que des amendements seront déposés à propos de la question des enfants en rétention – nous ne pourrons pas non plus en débattre au sein de notre commission –, et qu'ils seront adoptés. Le HCR a effectivement encouragé les autorités françaises à se saisir de l'occasion de ce texte pour mettre un terme – enfin ! – à la rétention des enfants.

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