Je n'ai pas non plus lu la totalité du projet d'avis, et peut-être la fin du texte réserve-t-elle quelques bonnes surprises, mais ce que j'ai lu est cohérent avec les discussions que nous avons eues et avec le point de vue de la majorité des membres de la commission des affaires étrangères. C'est important.
Nous sommes saisis, pour avis, de cinq articles. J'approuve ma collègue Laurence Dumont : mélanger asile et immigration, c'est semer le trouble et l'incompréhension. Il est déjà compliqué de discuter d'asile et d'immigration avec les gens. Si on fait l'amalgame, c'est une catastrophe. Nous devrions toujours poser cela comme préalable, et peut-être notre commission aurait-elle pu peser pour que le Gouvernement revoie sa copie avant de déposer ce projet de loi. Il est des pays où il arrive que le Gouvernement, entendant le Parlement, le fasse. C'est la séparation des pouvoirs, et les représentants du peuple disent au Gouvernement ce qu'il serait bon de faire. Cela n'existe pas chez nous, mais nous ne désespérons pas : peut-être notre pays vivra-t-il un jour une telle mutation !
Les articles dont nous sommes saisis n'appellent pas de remarque particulière de notre groupe, qui ne propose pas de les amender. L'article 20, notamment, relatif au « passeport talent » ne pose pas de problème, et vos propositions et votre rapport expriment des réactions généreuses, madame la présidente.
Je profite cependant de l'occasion pour critiquer ce projet de loi dans son ensemble.
Il y a quelques jours, le leader de l'extrême-droite italienne Matteo Salvini a dit qu'il comptait faire comme le président Emmanuel Macron pour traiter le problème des migrants. Il y a de quoi s'inquiéter, et pas qu'un peu. Le Défenseur des droits lui-même a relevé que ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement des politiques successives et des dysfonctionnements constatés depuis trente ans ; avouez que c'est très inquiétant.
En ce qui nous concerne, nous sommes aux côtés des associations de soutien aux migrants et de défense des droits de l'homme, des avocats spécialisés en droit des étrangers, que nous avons rencontré en visitant la CNDA. Ce projet de loi emblématique nous fait définitivement comprendre que le mouvement d'Emmanuel Macron est porté par son aile droite, sans que son aile gauche ou son aile modérée, dirons-nous, n'ait le droit de critiquer. C'est un texte dont nous rejetons complètement la philosophie. La Cour nationale du droit d'asile et plusieurs syndicats de l'OFPRA se sont mis en grève pour souligner que la politique migratoire française prenait une direction très préoccupante. Il faut en finir avec cette « extrême-droitisation » du traitement des migrants. Ce sont des êtres humains qui fuient la misère et la mort, que l'on n'a pas à traiter comme des délinquants en les plaçant en rétention administrative. En fait de droit d'asile, il semble qu'un état de non-droit administratif, sans humanité, ait pris le pas sur le traitement humain que nous réclamons depuis toujours.
Enfin, un mot sur la fuite des cerveaux, dont j'ai déjà parlé lorsque nous avons abordé l'aide au développement. Il y a les étrangers qui viennent étudier en France, mais aussi des personnes, notamment des médecins, qui, ayant étudié dans leur pays d'origine, viennent dans notre pays ; c'est peut-être aussi parce que celui-ci n'a pas fait le nécessaire pour former parmi ses ressortissants suffisamment de médecins, de dentistes, etc. C'est quand même un problème.
Par ailleurs, j'avais demandé à une précédente commission que l'on puisse distinguer entre l'immigration en Europe et l'immigration dans nos territoires et départements d'outremer. J'ai beaucoup apprécié, d'ailleurs, le titre d'un article publié cette semaine par un grand quotidien, selon lequel les Comoriens sont chez eux à Mayotte – je suis d'accord.