Une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a voulu m'auditionner il y a quatre ans sur l'avenir de la nouvelle génération de réacteurs. J'ai alors répondu que pour moi, la question n'était pas à l'ordre du jour. Parler de nouvelles générations, c'est parler à l'horizon de vingt, trente ou quarante ans, ce qui ne m'intéresse pas car il faut trouver des solutions énergétiques dans les vingt ans qui viennent. Toutes les nouvelles générations de réacteurs ne seront pas disponibles quand il le faudra. Le facteur temps est pour moi absolument capital. Rappelez-vous que c'est l'accident de Tchernobyl, en 1986, qui a stimulé le développement de la troisième génération. Trente-deux ans plus tard, pas un seul réacteur de cette nouvelle génération n'est en service quelque part dans le monde, ce qui est tout à fait normal.
Prétendre aujourd'hui qu'on pourra passer de la deuxième à la quatrième génération, comme l'envisagent certains industriels, est démenti par l'histoire, à l'échelle de temps qui nous intéresse. Pourquoi accepter les problèmes de sûreté que pose le vieillissement d'installations comme celles de La Hague sans parler du vieillissement des réacteurs à 900 mégawatts qui utilisent aujourd'hui le plutonium, ainsi que les problèmes de sécurité pour une supposée option dans trente ans – des réacteurs dont personne ne sait s'ils viendront ? Il suffit de regarder la révolution énergétique en cours sur le plan international pour dire que la probabilité que ces nouveaux réacteurs voient le jour tend vers zéro. Aux États-Unis, le coût de fonctionnement des réacteurs nucléaires est en moyenne, en 2015, de l'ordre de 35 dollars par mégawattheure – dans une gamme de coût extrêmement large, allant de 28 à plus de 60 dollars – tandis que les premières centrales solaires apparaissent à des coûts inférieurs à 30 dollars le mégawattheure, tout inclus – le stockage ayant un coût de 45 dollars le mégawattheure. Tandis que le coût du nucléaire augmente en permanence, celui des autres systèmes de production d'énergie baisse en permanence. Dès lors, la probabilité que l'on entre dans une autre génération de réacteurs tend selon moi vers zéro. Il me paraît problématique d'accepter tous les coûts et tous les problèmes de sûreté et de sécurité que pose une option dont la probabilité qu'elle soit retenue tend vers zéro.
Concernant les coûts de la sûreté et de la sécurité, nous pourrons sans problème vous fournir une bibliographie d'études qui ont notamment été faites aux États-Unis sur le coût du retraitement par rapport au coût de stockage direct et sur le coût de sortie des combustibles des piscines de La Hague.