Intervention de Mycle Schneider

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 15h45
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Mycle Schneider :

Je refuse catégoriquement de répondre à la question du risque humain ou matériel. On n'en sait rien car c'est toujours un mélange des deux. Une défaillance matérielle peut être le signe que les contrôleurs ou les fabricants n'ont pas fait leur travail correctement. Elle implique toujours un facteur humain. Le plus dangereux est d'entrer dans un processus de dégradation des deux facteurs. Je pense qu'on est dans une situation dangereuse en France parce qu'il y a à la fois vieillissement des installations et baisse du moral des troupes. Dans des installations à haut risque, on veut des employés heureux. Il n'est pas bon que la crise entraîne des grèves, que des fuites de documents montrent que les employés des centrales travaillent en sous-effectifs et que les conditions de travail soient inacceptables au point d'être jugées telles par les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Il y a une dégradation des conditions de travail qui influence le facteur humain et dans le même temps, on a commencé il y a une quinzaine d'années à serrer les boulons sur le plan économique, notamment chez EDF. Le premier plan Roussely visait à économiser 30 % sur l'ensemble de l'entreprise : imaginez ce qui se passe dans une entreprise quand son président affiche pareille cible. On a commencé à économiser partout au point qu'il a fallu, dans certaines situations, remonter des pompes avec de vieux joints parce qu'on n'en avait pas de nouveaux en stock. La réduction des stocks faisait en effet partie des mesures adoptées qui ont posé problème. Il y a un an et demi, il y a eu à La Hague une fuite au niveau de l'alimentation du verre dans l'installation de vitrification des déchets de haute activité. Les conteneurs ne contenaient donc pas assez de verre mais on n'a pas arrêté l'installation pour autant car une pression économique s'est exercée pour continuer la production. Cela doit nous alarmer.

Il ne fait aucun doute que l'eau et l'électricité sont les deux éléments clefs de sécurisation d'une installation. Il y a ce qu'on appelle le noyau dur, installation bunkérisée même en cas de panne ou de tremblement de terre pour gérer l'électricité et l'alimentation en eau. Soit dit entre nous, lorsque j'ai interrogé mes collègues en Allemagne, ils m'ont répondu que les mesures qui sont prises dans le cadre du grand carénage l'avaient déjà été d'emblée ou avaient été rattrapées plus tôt dans les autres pays.

Je ne sais rien de ce que fait la FARN. La seule chose que l'on sache, c'est combien d'hommes elle comprend. Savoir si cela suffit ou pas se discute parce qu'on ne sait pas combien de personnes sont en permanence sur les sites – cela relève de la confidentialité. En revanche, on sait qu'il y a aux États-Unis des exercices appelés force-on-force : une équipe essaie de pénétrer dans une centrale avec quelque chose qui pourrait ressembler à des explosifs ou à des armes pour tester les forces présentes sur site. Les résultats de ces exercices n'ont jamais été publiés dans le détail – car, comme vous pouvez l'imaginer, il ne serait pas très bon de le faire – mais on en sait assez pour affirmer qu'au cours de plusieurs de ces exercices, la défense des sites s'est avérée totalement inefficace et que les équipes ont pu se rendre jusque dans la salle de contrôle. À votre place, en tant que commission d'enquête, je demanderais aux services compétents les résultats de ces exercices. Il ne suffit pas de connaître le nombre de personnes présentes sur site.

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