Intervention de Clara Gaymard

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Clara Gaymard, co-fondatrice du fonds de dotation « Raise » et ancienne présidente de la filiale française du groupe américain General Electric (GE) :

Je suis contente que vous me posiez cette question. Je vais parler en mon nom personnel, en enlevant ma casquette General Electric. Je suis à moitié étrangère – ma mère est danoise –, mais ma carrière est la preuve de mon amour immodéré pour mon pays. Je lui dois une reconnaissance exceptionnelle : en tant que femme, je n'aurais pas pu avoir cette carrière, en même temps que ma vie de famille, si je n'étais pas née en France. Je ne parle pas d'être née au Soudan ou ailleurs, mais en Italie, en Allemagne ou même en Espagne. En conséquence, j'ai toujours essayé d'aider mon pays. Vous le savez, j'ai travaillé vingt-cinq ans dans l'administration et je rencontrais de grands patrons du monde entier pour les convaincre de venir s'implanter en France quand j'étais ambassadrice déléguée aux investissements internationaux. Croyez-moi, c'était plus facile à certaines époques qu'à d'autres… Je suis assez fière d'avoir multiplié par deux le nombre de projets et d'emplois créés en France pendant cette période.

Le patriotisme économique est important et j'y suis attachée : il ne faut pas être naïf, il faut savoir se défendre. Mais je considère qu'il s'agit avant tout à faire en sorte que les choses se passent en France, qu'on y trouve les meilleurs centres de recherche, les technologies les plus avancées, qu'on y recrute les meilleurs chercheurs, ingénieurs, salariés et ce que le monde compte d'intelligence, quels que soient les secteurs – énergie, en l'occurrence, mais aussi santé ou intelligence artificielle.

Si Alstom avait eu la capacité d'avoir un destin seul, le Gouvernement aurait effectivement pu se battre pour conserver la nationalité française de l'entreprise. Patrick Kron aurait très bien pu prendre sa retraite, laisser les choses se faire et le désastre annoncé se produire. À titre personnel, je trouve qu'il a été extrêmement courageux de décider de s'adosser à un groupe étranger et de réaliser cette alliance avec GE. Cela avait tout son sens et l'histoire lui donne raison.

J'ai rejoint General Electric car cette entreprise était présente en France depuis longtemps : elle avait fait grandir, avait donné une surface internationale, augmenté le chiffre d'affaires et permis l'expansion mondiale de tous les sites qu'elle avait rachetés. Elle avait amélioré la rentabilité des entreprises concernées, mais surtout créé des emplois en France. J'étais donc en parfaite cohérence avec mes convictions quand l'acquisition d'Alstom s'est annoncée. J'y étais de surcroît favorable. À mon petit niveau, j'ai essayé d'y contribuer estimant qu'elle contribuait à la création d'un pôle mondial du renouvelable – qui est une réalité aujourd'hui. Je ne dis pas que la conjoncture économique est bonne, mais je ne sais pas ce que serait devenu Alstom s'il n'était pas entré dans cette alliance.

Vous pouvez ne pas être d'accord avec moi, mais c'est ma conviction profonde. Le patriotisme économique est important, tout comme l'attractivité française. Cela a constitué le combat de toute ma vie. Mais l'attractivité, c'est aussi d'attirer les meilleurs chez nous, quelle que soit leur nationalité !

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