La situation française est un peu intermédiaire au regard de cette question. Le capital des grandes sociétés britanniques est, par exemple, beaucoup plus dispersé. Elles sont donc potentiellement beaucoup plus vulnérables que les grandes entreprises françaises. Le capitalisme allemand compte beaucoup moins de sociétés cotées et de nombreux groupes familiaux. Les sociétés allemandes sont donc moins exposées que les nôtres.
Deux facteurs combinés rendent les entreprises fragiles : un actionnariat extraordinairement morcelé, et une sous-évaluation. Les entreprises qui bénéficient de dynamiques porteuses et celles dont les résultats correspondent aux normes de rentabilité de leur industrie sont beaucoup moins vulnérables que les autres. L'ensemble de l'environnement de compétitivité de l'économie française joue aussi un rôle clé.
Je pense que la présence des actionnaires de référence, qu'ils soient familiaux ou salariés, constituent un facteur de protection. Elle ne signifie pas que les entreprises ne peuvent pas se marier, mais qu'elles ne peuvent pas se marier contre leur gré, ce qui est déjà extrêmement important. Je suis certain que, dans le cadre d'éventuelles privatisations, l'APE aura à coeur d'assurer un ancrage pour ces entreprises grâce à des capitaux de long terme.
Enfin, nous observons aujourd'hui que les nouvelles grandes entreprises, c'est-à-dire notamment toutes celles qui naissent dans l'ère technologique, se financent durablement non plus par la bourse, mais directement grâce à des capitaux longs venant de fonds de pension, de compagnies d'assurances, de caisses de retraite, qui deviennent de sérieuses alternatives.