Intervention de Jean-Pierre Floris

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 16h20
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d'entreprises :

Tout simplement pas business honest. Dans notre monde occidental, le business suppose d'être honnête et transparent, et ils ne le sont pas. Je partage votre vision : il faut de temps en temps les engueuler… Mais nous sommes bien obligés de faire avec. Nous n'allons pas nationaliser Ford – de toute manière, on ne saurait pas le faire.

Sur l'État stratège, vous avez soulevé des points très importants, à commencer par celui de la compétitivité de la France par rapport aux autres pays. Les écarts de coûts salariaux sont réels : lors de la visite du candidat Emmanuel Macron dans une de mes usines pendant la campagne présidentielle, je lui avais montré la différence de coûts salariaux et de revenu net pour des personnes faisant le même boulot dans plusieurs pays européens. On s'est alors aperçu que la France restait le pays où le coût était le plus élevé. On me dit que depuis, la France est un peu moins chère que l'Allemagne, mais dans le cas de mon entreprise, elle était encore 10 % au-dessus. Le temps de travail joue, ainsi que les charges sociales. En termes de revenu net, le Français ne gagne pas plus que l'Allemand. Au niveau des petits salaires, le Français gagne beaucoup plus que l'Espagnol ou l'Italien, parce que l'impôt démarre beaucoup plus bas dans les autres pays. Ensuite, vous avez raison de souligner l'importance des charges : dans des pays qui se disent libéraux comme l'Allemagne, les grandes entreprises paient l'énergie moins chère. Nous nous étions aperçus chez Saint-Gobain – et je l'ai constaté ensuite chez Verallia dont j'étais président – que les entreprises allemandes électro-intensives paient mon cher leur énergie électrique que pour les entreprises françaises, alors que nous avons des centrales nucléaires… Cependant, avec l'évolution des coûts salariaux, on devrait se rattraper. Du côté de l'énergie également, les coûts devraient aussi converger car l'Allemagne a tout de même beaucoup dépensé pour les énergies renouvelables : elle va bien être obligée de chercher de l'argent et donc d'accorder des subventions un peu moins importantes. Reste la fiscalité qu'il faut effectivement simplifier.

Pour moi, le facteur le plus important est la formation qui favorise la disponibilité en personnel qualifié. Je fais du business avec l'Allemagne depuis trente ans. Dans les entreprises que j'ai dirigées, je suivais mes coûts assez sérieusement. Je n'ai jamais embêté les dirigeants de mes filiales allemandes sur le nombre d'apprentis qu'elles avaient dans leurs usines. À la fin, on en embauchait 90 % : il faut vraiment qu'une boîte soit en mauvais état pour ne pas prendre de gens qualifiés. C'est ce qui nous manque en France. Tout le monde fait des efforts et vous avez raison de dire que l'État et les régions doivent y participer. Il faut partout faire de la formation, mettre les gens au travail – c'est l'urgence absolue pour que les gens vivent bien – et donc leur donner des formations concrètes dans les entreprises. Il faut aussi que les entreprises dispensent une formation avec un peu plus de culture générale pour que les gens puissent s'adapter aux évolutions technologiques. Je suis ravi de toutes les initiatives prises au profit de l'innovation, mais n'allons pas croire que l'on va tirer un trait sur la vieille industrie et ne plus faire que de l'innovation : tout le monde n'a pas le niveau technique suffisant pour cela.

Notre vision industrielle doit consister non seulement à innover, mais aussi à moderniser à marche forcée notre outil industriel traditionnel. Ce qui préservera l'emploi, ce sont les investissements. Si, en raison des évolutions de marché, vos ventes chutent, vous allez faire de la rationalisation, mais si vous investissez en France au lieu de le faire en Pologne et que cela rende votre usine française très compétitive, on ne vous cherchera pas trop de poux dans la tête avec le PSE, pour peu que vous traitiez les gens correctement. La notion d'industrie 4.0 vaut aussi pour la vieille industrie – dans laquelle j'ai travaillé toute ma vie et que j'ai essayé de moderniser pour y rendre les méthodes de travail efficaces.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.