Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Françoise Nyssen, ministre de la Culture :

Selon moi, l'écriture inclusive, avec le point médian, aboutit à un alourdissement des textes. J'en ai parlé avec Jean-Michel Blanquer, et nous sommes d'accord pour dire que cela ne fera pas avancer les choses. Je me demande même si cela ne risquerait pas de compliquer l'apprentissage de la lecture, notamment pour les enfants dyslexiques.

En revanche, nous avons adopté une démarche totalement volontariste s'agissant de l'encadrement – écoles, établissements, et jurys. Placer systématiquement des femmes, à égalité avec les hommes, à la tête des établissements, des écoles, etc. me paraît essentiel pour changer l'état d'esprit. Et il n'y a aucune raison pour ne pas procéder ainsi.

Ensuite, comme vous l'avez dit vous-même, Camille Claudel a eu une vie que personne ne lui souhaite – enfermée, abandonnée par sa famille, etc. D'autres femmes, moins connues, ont eu une vie très difficile. Je pense à Leonora Carrington, la compagne de Max Ernst, qui a été enfermée dans un institut psychiatrique en Espagne, ce que l'on ne sait pas. C'était une très grande artiste surréaliste, qui a fait des choses extraordinaires, mais ce n'est pas parce qu'elle a souffert qu'elle a été reconnue. Vous êtes d'accord avec moi, ce n'est pas un argument.

Certaines femmes magnifiques ont acquis aujourd'hui une reconnaissance internationale dans la culture dans la capacité à promouvoir les femmes artistes du passé. Je peux citer Camille Morineau, directrice des expositions et des collections à la Monnaie de Paris qui a monté des expositions emblématiques comme Women House ou encore Elles au centre Pompidou, ou à Laurence Equilbey, une cheffe d'orchestre qui a monté avec tellement d'énergie son ensemble et qui le dirige, et qui a mis en lumière très récemment des femmes compositrices comme Louise Farrenc, compositrice du XIXe siècle. Il n'est pas besoin d'être dans la souffrance pour faire tout cela. D'ailleurs, rien ne dit que si Camille Claudel et ces autres femmes n'avaient pas connu cette souffrance, elles n'auraient pas fait ce qu'elles ont fait, voire plus encore, dans la liberté. Qui sait ?

On parlait, avant de venir ici, d'une femme écrivain – ou écrivaine, ou autrice, terme utilisé au XVIIIe siècle – qui a été totalement occultée, au début, par l'image de son mari, et qui a précisément écrit là-dessus. Il s'agit de la femme de Paul Auster, Siri Hustvedt. Aujourd'hui, elle travaille avec des groupes de recherche scientifique parce qu'on considère que le travail qu'elle fait en termes d'écriture éclaire les neuroscientifiques. Elle prononce les conférences inaugurales dans les grands instituts de psychanalyse. Elle a vraiment une grande réputation.

J'ai fréquenté beaucoup d'auteures femmes et je ne vais pas en faire le catalogue. Mais elles sont là, et heureusement, elles existent. Je dois dire que je suis très agréablement surprise de l'écho qui a été donné à Siri, en partie grâce à Paul qui a beaucoup lutté, notamment sur les stéréotypes auxquels ils se heurtaient, principalement en France. Il fut un temps où il ne voulait plus venir dans notre pays, parce que chaque fois que l'on parlait de Siri, on disait « la femme de Paul ». On a donc encore beaucoup à faire.

Enfin, il me semble très important de féminiser tous les métiers d'art, pour exprimer, en utilisant le mot juste, le fait que ces métiers sont ouverts aux femmes. Je pense à autrice, justement. Plus généralement, maintenant, on parle des droits humains, et plus des droits de l'Homme. Et c'est une belle expression…

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