Il fut une époque où être ministre de la Culture consistait à accompagner notre offre culturelle magnifique. D'ailleurs le résultat est là. En France, l'offre culturelle est exceptionnelle en France – établissements, lieux de spectacles vivants, musées, patrimoine magnifique et nombreux dispositifs culturels. Pour autant, la ségrégation culturelle est une réalité. De nombreux jeunes sont exclus, pour des raisons économiques, géographiques, culturelles, de mode de vie, parce qu'on les empêche d'accéder à la culture, ou pour des raisons psychologiques, par manque de confiance en soi.
Voilà pourquoi la politique des droits culturels est pour nous une véritable boussole. Nous devons réfléchir à tous les leviers permettant d'accéder à la culture. Vous dites « émancipation ». Je dis émancipation, responsabilisation, autonomie. C'est très important, dans la mesure où cette autonomie risque d'être fauchée pour toutes sortes de raisons que nous connaissons.
La pratique artistique et culturelle depuis le plus jeune âge permet effectivement de grandir en autonomie, en confiance – Jean-Michel Blanquer parle d'école de la confiance – et d'apprendre à respecter l'autre. C'est tout l'intérêt des chorales puisque chanter dans les écoles, c'est apprendre à être ensemble, à écouter et à regarder l'autre. Je l'ai vécu très concrètement dans l'école que j'ai créée, et où justement, on chante tous les jours.
Réapprendre à être ensemble, réapprendre la joie d'être ensemble, a un effet phénoménal sur les enfants. La pratique culturelle et artistique dès le plus jeune âge les met sur le chemin de confiance, du respect de l'autre et de l'émancipation.
Ensuite, le Pass Culture est un outil révolutionnaire d'émancipation culturelle. Des jeunes peuvent choisir en toute autonomie, sans intermédiaire, à partir de leur application, des activités culturelles. Nous y avons réfléchi avec des laboratoires composés de jeunes, qui ont participé avec une grande vivacité.
Il ne faut pas oublier les bibliothèques. Le « plan bibliothèques » est très important. En effet, des jeunes qui sont confinés chez eux peuvent se rendre dans ces lieux qui, normalement, qui ne sont pas suspects pour les familles. Ils peuvent y travailler et rencontrer les autres.
Il y a aussi le plan pour le patrimoine. Il est très important, là encore, de revitaliser par le patrimoine des territoires qui sont exclus de la culture. Cela permet de se rassembler avec fierté autour de ce patrimoine.
Enfin, la semaine prochaine, nous allons lancer un grand plan sur l'itinérance, pour remettre la culture sur la place publique, et l'amener aux gens sans attendre. Ce sera sûrement bénéfique pour les jeunes qui n'ont pas de mobilité, soit parce qu'ils sont trop jeunes, soit parce que leurs parents ne peuvent pas, soit parce qu'ils n'ont pas les moyens, soit parce qu'ils n'ont pas l'autorisation de leurs parents de se déplacer.
Tout cela pour vous dire que la lutte contre cette ségrégation culturelle, dont on ne peut que constater la réalité, sert de boussole à notre politique.
Certains pensent que la culture n'est pas pour eux. Mais lorsque l'on est confronté aux oeuvres, à l'école et en dehors de l'école, dans les médiathèques, ou lorsque l'on pratique, par exemple le théâtre, on accède à d'autres univers, et on découvre l'autre. Parfois, il suffit d'amener des jeunes dans certains lieux de culture et de leur dire : vous pouvez entrer, vous êtes chez vous. Cela peut changer la vision des choses. Toutes les actions que nous menons en ce sens sont à l'aune de cette politique de lutte contre la ségrégation culturelle et de l'assignation à résidence.