Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu :

Madame Josso, je suis très favorable à ce que l'on ait une vision très précise du bilan carbone et de l'utilité d'un projet d'infrastructure avant de commencer à le financer. Je pense même que cette approche dépasse la question environnementale : elle rejoint la question du bon usage des deniers publics. Plus nous sommes en mesure d'avoir une évaluation précise en amont, plus on peut vaincre les éventuelles résistances ou réticences de certains habitants qui se trouvent sur le tracé des axes envisagés, en étant capables d'objectiver les choses ou d'éviter la constitution de « zones à défendre » (ZAD) en différents points de notre pays.

Je souhaite que l'on mène cette évaluation, mais ce n'est pas le rôle de l'AFITF. Ce travail doit intervenir lors du débat public. Donner une telle responsabilité à l'agence au moment où l'on décide de l'opportunité de réaliser le projet serait un basculement profond de la nature de ses missions. Il faut donc, dans le cadre des procédures du débat public préalable à une déclaration d'utilité publique (DUP), être extrêmement attentif à ces questions. En revanche, au moment où l'on s'interroge sur la soutenabilité de la trajectoire financière d'un projet préalablement déclaré d'utilité publique, on ne peut pas refaire le bilan carbone, sinon on fragilise les décisions déjà prises, y compris quand elles ont fait l'objet d'un jugement. Cela dit, je souhaite évidemment que vous regardiez cette question de très près.

M. Maquet a évoqué le fait que l'agence était potentiellement une « coquille vide ». Si l'agence ne sert à rien, excusez-moi pour le temps que je vous ai fait perdre… En 2009, on expliquait qu'il fallait la supprimer ; en 2016, on explique qu'il faut que sa feuille de route soit plus claire. Aucun des rapports de la Cour des comptes ne porte sur la gestion de la structure. Aucune agence de l'État n'a un coût de fonctionnement aussi faible, soit 0,01 % de son budget global. Quatre personnes travaillent pour cette agence qui consacre, en 2017, 600 000 euros à son fonctionnement, pour 2,15 milliards d'euros d'investissement. Dans ces conditions, les marges de manoeuvre sur les dépenses de fonctionnement sont extrêmement faibles. Je ne peux pas m'engager à réduire de 2 % la masse salariale, à moins de supprimer l'un des quatre postes.

En revanche, il faut évidemment de la transparence. Aujourd'hui, il nous manque un contrat d'objectifs et de moyens. Il n'est pas normal qu'un opérateur de l'État qui gère 2,5 milliards d'euros ne dispose pas d'une feuille de route et d'un contrat d'objectifs et de performance. Cela contrevient aux règles que nous nous sommes données à nous-mêmes – je pense à la circulaire du 26 mars 2010 –, et cela contrevient à la qualité du contrôle parlementaire. Cela peut même laisser subsister des zones grises. Je demande donc que, dans le cadre du mandat qui pourrait m'être confié, ce contrat d'objectifs et de moyens soit « concomitant » ou « simultané » à la loi d'orientation sur les mobilités ou, mieux encore, à la loi de programmation des infrastructures, puisque ce contexte permettra d'en poser les termes.

M. Pancher, que je suis très heureux de retrouver, m'a interrogé sur l'information du Parlement. Les contrôles d'accès à l'Assemblée nationale étant ce qu'ils sont, je m'y rendrai chaque fois que je serai invité, car je sais qu'on ne me laisserait pas entrer si je venais à l'improviste. Je suis évidemment à votre disposition.

Le Parlement vote le budget, puis le conseil d'administration de l'agence élabore son budget à partir des moyens qui lui ont été alloués par le Parlement. Je ne serais pas choqué qu'après le vote de la loi de finances initiale, vous demandiez au président de l'agence de venir vous expliquer ce que seront les allocations budgétaires. Cela ne semblerait absolument pas aberrant. J'ajoute qu'une telle audition, fondée sur des données chiffrées, prendrait probablement moins de temps que celle qui nous réunit ce matin.

Madame Maillart-Méhaignerie, je partage totalement, s'agissant de la réorientation de la stratégie d'investissement, l'opinion du Président de la République lorsqu'il estime qu'il est aujourd'hui sans doute souhaitable de s'assurer des transports et des mobilités du quotidien, plutôt que de multiplier les nouveaux projets. Cette approche vaut pour tous les modes, mais elle concerne évidemment le ferroviaire.

Dans le contexte actuel, il ne faut toutefois pas oublier un élément essentiel : il faut bien mesurer que l'agence a pris des engagements s'agissant des LGV en cours, et qu'elle a des échéances. Nous ne pouvons pas réorienter des échéances ou des traites qui correspondent à des engagements. Je précise qu'à la minute où je vous parle, nous avons encore 221 millions d'euros de dettes à l'égard de SNCF Réseau. L'Agence devra verser 37 millions d'euros de pénalités pour ne pas avoir honoré à temps des restes à payer. La bonne nouvelle, c'est que le montant de cette dette, qui atteignait 700 millions il y a quelques années, est passé à 400 millions, pour n'être plus que de 221 millions aujourd'hui. L'enjeu consiste à faire de 2018 notre dernière année d'endettement. Payer des pénalités de retard ne constitue pas une bonne allocation des dépenses publique, de surcroît lorsque c'est à un opérateur comme la SNCF.

Monsieur Fugit, je pense que le transport fluvial est effectivement un mode dans lequel nous sous-investissons globalement, alors que la géographie de notre pays permettrait réellement de bénéficier de très forts reports modaux. Cet enjeu est insuffisamment pris en compte. L'agence finance VNF à hauteur de 70 millions d'euros. Aujourd'hui, nous travaillons avec des personnels, y compris du ministère des transports, qui connaissent bien la question fluviale. Les ambitions en la matière pourraient être précisées dans les années qui viennent, et l'agence pourrait tout à fait les accompagner.

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