Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu :

Madame de Courson, vous m'avez interrogé sur les financements et sur les contrats d'agglomération qui concernent quelque 140 projets « en stock » à l'instant où je vous parle – avec des bus à haut niveau de service (BHNS), des téléphériques, des tramways –, représentant environ 8 % de nos engagements.

Par définition, l'agence fait ce qu'on lui dit, puisque je vous rappelle qu'elle se voit affecter des recettes nationales. Le président de l'agence n'a aucune légitimité pour aller passer un moment dans le golfe du Morbihan et prendre là-bas, parce qu'il trouverait les élus sympathiques ou les paysages enchanteurs, des engagements au nom de la France.

En revanche, s'agissant des mobilités du quotidien, être aux côtés des collectivités locales pour regarder ce que peuvent être les solutions innovantes – pas uniquement dans les endroits de forte densité pour répondre à plusieurs de vos interventions –, cela me semble s'inscrire pleinement dans les missions qui peuvent être celles de l'Agence.

De la même manière, on peut imaginer que, demain, dans le cadre des contrats d'agglomération, on ne mette pas forcément en place des infrastructures très coûteuses. Le développement du vélo, qui est une manière d'obtenir des reports de modalités – et le vélo ne coûte pas 30 millions d'euros au kilomètre – peut entrer dans des contrats d'agglomération, si l'on adopte des logiques d'intermodalité, de la même manière que l'on peut, sur des infrastructures plus « souples », imaginer des dispositifs concernant des territoires enclavés.

Monsieur Lorion, dans le budget 2018, 100 millions d'euros sont encore prévus pour la nouvelle route du littoral. À l'heure actuelle, nous ne finançons pas d'infrastructure aéroportuaire, car nous considérons que ce modèle est globalement équilibré et que lorsqu'il ne l'est pas, il existe des solutions locales qui permettent de l'équilibrer. Vous êtes de La Réunion, je suis des Pays-de-la-Loire, nous avons chacun nos dossiers d'aéroport enterré, relancé, bloqué ou espéré. L'abandon de Notre-Dame-des-Landes soulève d'ailleurs maintenant, dans le Grand Ouest, des questions intéressantes sur les reports modaux. Il est vrai que vous n'avez pas cette perspective. Nous nous interrogeons, par exemple, sur le fait qu'une meilleure connexion avec le sud de l'Île-de-France, grâce à des trains vers Orly, permettrait sans doute d'absorber une partie du trafic aéroportuaire tel qu'il était imaginé.

Le fait que l'outre-mer n'ait pas cette perspective fait qu'il y a sans doute un devoir particulier de solidarité de la métropole à son égard, mais vous avez, en même temps, des atouts en termes touristiques – pensez au nombre de personnes qui veulent venir sur votre territoire – qui rendent les infrastructures éligibles à des partenariats plus innovants que ceux qui sont parfois possibles sur le territoire métropolitain.

Madame Panot, mon niveau de connaissance du dossier du projet Lyon-Turin ne me permet pas de vous répondre sur la justification du projet ou sur le coût du PPP. Je sais en revanche que l'agence, à la minute où je vous parle, n'est pas engagée dans le financement du projet. Il repose sur une société de projet et sur des subventions de l'Union européenne à un niveau très élevé, puisqu'elles représentent 40 % du projet global du tunnel euralpin Lyon-Turin, censé être couvert par l'Union dans le cadre du réseau transeuropéen de transports. Théoriquement, l'année 2018 doit être une année de départ puisque l'Union européenne s'est engagée à apporter 813 millions d'euros sur la première tranche qui se termine à la fin de 2019.

Monsieur Descoeur, je vous invite à mesurer les espoirs que vous évoquiez. (Sourires.) Plus sérieusement, la moitié des restes à payer correspond à des projets inaugurés pour lesquels les échéances courent sur vingt ans. Nous parlons de 5 milliards d'euros ventilés entre la rocade L2, le contournement Nîmes-Montpellier et la liaison Bordeaux-Pays-de-la-Loire. Nous n'avons aucune possibilité de revenir sur ces 5 milliards d'euros qui résultent de la volonté des gouvernements précédents d'étaler les remboursements. Pour autant, cela ne nous coûte que 250 millions d'euros par an, c'est-à-dire 10 % du budget. Autrement dit, nous conservons une véritable capacité à investir.

L'indicateur des restes à payer ne montre pas la fragilité d'une agence de financement. Sa fragilité viendrait du niveau de ses ressources pérennes. Si vos restes à payer sont négligeables, mais que vous ne disposez pas de ressources pérennes, votre situation est bien plus compliquée que si vous avez 250 millions d'euros d'engagements pendant vingt ans avec 3 milliards d'euros de recettes garanties.

La soutenabilité dépend donc des choix qui seront faits dans la continuité du Conseil d'orientation des infrastructures, et à l'occasion de la loi d'orientation sur les mobilités qui sera le vrai rendez-vous politique de l'ambition de notre pays en termes d'infrastructures.

Quant à la péréquation, elle existe déjà, pour partie. Je pense toutefois que l'on peut l'améliorer. À mon avis, il y aura un grand rendez-vous de la péréquation lors de la fin des concessions, mais ce n'est pas pour tout de suite. En revanche, sans attendre, aujourd'hui, à travers les modes de financement des routes nationales il faut saisir des occasions de flécher des crédits à l'intérieur du budget de l'agence.

J'ajoute une question que des présidents du conseil général de 2004 pourraient se poser, Monsieur Descoeur. À l'époque, il y avait deux écoles. Certains pensaient qu'il était préférable que les routes nationales restent dans le giron de l'État pour qu'il investisse. D'autres prônaient la départementalisation du réseau, considérant que l'État n'investirait pas. Globalement, on sait aujourd'hui que les routes départementales ont fait l'objet, au cours de ces dernières années, d'investissements au kilomètre plus élevés que les routes nationales. La même chose vaut pour les collèges et les lycées, et pour beaucoup de sujets relevant de la décentralisation. Il existe en revanche une taille d'infrastructure à partir de laquelle il est souhaitable, en termes de solidarité nationale, de conserver des continuités qui relèvent de l'État.

Enfin, je termine sur une note poétique que vous avez bien voulu amener, monsieur Pahun, en évoquant Camors, Quiberon, Auray et le « tire-bouchon ». C'est une manière de terminer cette audition sur des embruns qui me donnent des envies de week-end en plein milieu de la semaine. Les projets s'examinent, mais lorsque des élus locaux les portent, la question de leur cofinancement, de l'investissement et de leur soutenabilité dépend d'eux. C'est aussi à eux d'imaginer une partie du montage. Dans les responsabilités qui sont les miennes, y compris s'agissant de la deuxième ligne de tram, que nous sommes en train de réaliser, l'effort de l'État représente 10 % du montant total. Le reste dépend évidemment de la responsabilité de ceux qui portent les projets, qui pensent, et qui innovent.

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