Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Quand on n'a qu'un marteau, on voit tous les problèmes sous forme de clou. C'est le cas de la Commission européenne et, dans sa lignée, de ce Gouvernement. Vous n'avez, en effet, qu'une réponse à tout : l'ouverture à la concurrence, l'ouverture à la concurrence, l'ouverture à la concurrence ! Il y a par ailleurs un grand vide sur les questions environnementales. Ce vide est si grand que nos amendements visant à limiter le réchauffement climatique ont été déclarés irrecevables au motif que le texte ne mentionne nullement cette question : ils n'ont pu trouver de place dans ce projet de loi. Quand on parle de transport, l'environnement est pourtant une question centrale. Les émissions de gaz à effet de serre dans les transports ont augmenté de 6 % au cours des deux dernières années. Ce secteur est devenu le plus grand émetteur, 95 % du total étant dû au transport routier. On prévoit par ailleurs une augmentation de 39 % des émissions dans les prochaines années. Autrement dit, on s'habitue à la catastrophe climatique qui est annoncée, on avance tranquillement vers elle, sans qu'un texte comme celui-ci comporte le moindre acte fort dans ce domaine.

Que contient le projet de loi, en effet ? Il est une fois encore le fruit d'une technocratie libérale : il ne prévoit rien d'autre que l'ouverture à la concurrence et la libéralisation des marchés. Pourtant, cette même technocratie libérale a déjà fait beaucoup de mal au service public ferroviaire. Pourquoi est-il en panne ? Ce n'est pas à cause des cheminots, mais des décisions qui ont été prises, par exemple le choix de développer le TGV dans le cadre d'une politique de prestige. C'est l'État qui a demandé à la SNCF de desservir un certain nombre de villes, mais c'est elle qui a payé. Il y a eu en parallèle un abandon de certaines lignes, notamment dans le cadre des trains Intercités. Des milliers de kilomètres – 6 500, me semble-t-il – subissent des ralentissements. Moi qui suis un usager très régulier du rail partout en France, je peux vous dire que le service est remplacé par des cars dans des tas d'endroits, ce qui implique un niveau de confort très différent.

Un autre élément à prendre en compte est la séparation catastrophique entre le rail et le réseau, à partir de 1997. La SNCF a été complètement désorganisée et une vraie bureaucratie a vu le jour : la main invisible du marché a besoin de beaucoup de papier et de beaucoup d'organisation pour se mettre à fonctionner un peu. En l'occurrence, elle a très clairement dysfonctionné et on est plus ou moins revenu en arrière en 2014. Par ailleurs, la dette de SNCF Réseau a explosé. Elle a doublé en vingt ans à cause des choix concernant le TGV.

J'ajoute au passage que le rapport Spinetta annonce potentiellement le doublement du prix des billets : en Allemagne, ils coûtent deux ou trois fois plus cher qu'en France.

Nos propositions pour le rail sont simples : c'est à l'État de payer. Pour la route, c'est essentiellement l'État, les régions ou d'autres collectivités qui le font. Comment se fait-il que ce ne soit pas la même chose pour le rail ? De même, ce ne sont pas les péniches qui vont payer le canal Seine-Nord s'il est réalisé chez moi. Nous proposons ensuite une politique de rééquilibrage en faveur des petites lignes. Il faut aussi une taxe sur les camions. Sur ce point, devenons suisses : la Suisse a créé une redevance importante pour les poids lourds, ce qui a non seulement conduit à une diminution de la circulation des camions – on est passé de 1,4 million de camions par an à environ 650 000 – mais a aussi et surtout dégagé des moyens pour financer le rail. Voilà les propositions que La France insoumise fait dans ce débat.

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