Intervention de Jean-Yves le Gall

Réunion du mercredi 4 avril 2018 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Gall, président du CNES :

Nous avons effectivement besoin de nos deux jambes pour rester debout. C'est pourquoi nous avons une double tutelle et un programme de recherche civile, dont nous parlons beaucoup, ainsi qu'un programme de recherche duale, dont nous parlons sensiblement moins pour les raisons que l'on imagine. J'ai évoqué les programmes CSO, CERES et Syracuse 4 sur lesquels nous intervenons. Nous agissons aussi pour la préparation de l'avenir. Nous disposons d'une compétence spécifique dans le domaine de la défense, mais la défense bénéficie également de tout ce que nous entreprenons dans le cadre dual. Cela doit continuer et je crois que c'est la clé du succès de notre politique spatiale à la fois civile et militaire. Je crois qu'il faut rendre hommage au Gouvernement et au Parlement de l'époque, en 1986, pour avoir décidé de créer un centre spatial dual plutôt qu'un centre civil et un centre militaire séparés, ce qui aurait conduit à une dispersion des moyens. Par ailleurs, l'expérience montre que lorsque vous avez deux centres distincts, les gens ne se parlent pas. Notre organisation est mutuellement profitable au civil et au militaire et je ne crois pas que l'on puisse dire que l'un vit aux crochets de l'autre. L'ensemble est dual et intégré.

Sur Ariane 6, je répéterai ce que j'ai dit. Nous disposons d'un lanceur dont le développement se poursuit et tout se passe bien du point de vue technique, avec la perspective d'un premier lancement en 2020. L'environnement est très dynamique mais pas stabilisé. Parallèlement aux travaux que nous menons sur Ariane 6, nous conduisons des travaux qui nous préparent à d'éventuelles situations de rupture, si tant est qu'elles arrivent.

La question des astéroïdes est source de controverses. Tant les États-Unis que le Luxembourg ont décidé de faire de ce sujet le porte-drapeau de leur politique spatiale, en particulier le Luxembourg. Mais cela reste extrêmement théorique. Si on observe le système solaire, on y trouve Mercure, Vénus, la Terre et Mars, soit les quatre planètes rocheuses, la ceinture d'astéroïdes, et enfin les planètes gazeuses. Nous ne sommes encore jamais allés sur les astéroïdes. Cela nécessiterait plusieurs années de voyage et il n'est absolument pas établi que les astéroïdes hébergent l'Éden dont on parle s'agissant des minerais. Par ailleurs, rapporter ces minerais sur Terre représenterait une entreprise extrêmement complexe. À titre d'exemple, le CNES est très fier de développer avec la Japan Aerospace Exploration Agency (JAXA) la mission MMX (Martian Moons Exploration), qui a vocation à rapporter 10 grammes de Phobos, l'une des lunes de Mars. Cette mission prendra plusieurs années et représente un budget de 500 millions de dollars, soit un coût de 50 millions de dollars le gramme... Une exploitation commerciale d'astéroïdes n'est à mon avis pas pour demain.

Sur les débris spatiaux, j'ai toujours estimé que la meilleure façon d'avoir un espace propre est de ne pas le salir. Au début de l'ère spatiale, on salissait beaucoup l'espace : lorsqu'on séparait des étages de lanceurs, des boulons explosifs créaient une myriade de particules qui constituaient autant de débris. Aujourd'hui, et la France a montré la voie avec la loi sur les opérations spatiales (LOS), il existe une obligation à ne pas salir l'espace : on désorbite les étages de fusées en fin de vie, la séparation des étages se fait avec des sangles propres, etc. Je crois que c'est la meilleure façon de se protéger des débris spatiaux.

Concernant la protection des satellites, on ne sait pas concevoir un satellite furtif et on ne sait pas se protéger d'un satellite étranger qui viendrait fureter à proximité des nôtres. Certes on peut se durcir : protection contre les tirs laser, mesures de cyber sécurité, etc. D'ailleurs, nous réfléchissons sur ces sujets avec et sous la responsabilité de la défense qui est en charge de ces domaines. Mais il est clair que face à des satellites qui seraient vraiment hostiles, nous serions assez démunis. Un satellite portant une charge explosive pourrait détruire l'un de nos satellites. L'honnêteté force à dire que nous avons connu dans l'histoire récente quelques arrêts inexpliqués de satellites. Les plus indulgents mettent en cause l'action d'un ion lourd ou d'une micrométéorite, d'autres personnes pensent qu'il y a autre chose, mais il est difficile de le savoir…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.