Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Monsieur le ministre, je vous avoue que le groupe de La France insoumise est beaucoup moins enthousiaste vis-à-vis de votre projet de loi que la plupart des collègues qui se sont exprimés avant moi. Certes, face à l'ampleur des phénomènes de fraude en matière fiscale, douanière et sociale, il apparaît nécessaire de réagir, mais je crains que les mesures que vous proposez ne soient qu'un coup d'épée dans l'eau. Or, il serait particulièrement dommageable que l'on prétende avoir réglé le problème, alors qu'on n'a pratiquement rien fait pour y remédier.

J'observe d'abord que la plupart des mesures allant dans le bon sens ne vont pas assez loin et ne sont donc pas suffisamment dissuasives. Ainsi, quand vous proposez, à l'article 7, d'appliquer aux avocats fiscalistes et aux cabinets de conseil proposant à leurs clients des schémas de fraude fiscale une amende pouvant aller jusqu'à 50 % des honoraires perçus, on ne peut s'empêcher de trouver étrange qu'il soit considéré que seule la moitié des revenus obtenus de manière illégale est indue.

Pour ce qui est des paradis fiscaux, nous sommes réellement déçus, car nous vous avions entendu expliquer que les déclarations de la Commission européenne étaient insuffisantes, et il n'était donc pas iconoclaste de penser qu'on allait s'occuper des paradis fiscaux européens – or, on en reste à la liste des neuf dressée à Bruxelles, ce qui est notoirement insuffisant.

Je suis sceptique aussi face à la logique du « plaider-coupable », consistant en fait à négocier avec les fraudeurs, car je crains que cela n'aboutisse à avantager les gros fraudeurs, c'est-à-dire ceux qui disposent des moyens de faire pression par un chantage à l'emploi ou grâce aux conseils obtenus auprès de juristes spécialisés.

Je ne vois qu'un faux-semblant dans la création de la police fiscale. Premièrement, il ne s'agit que d'un transfert de personnels provenant de la DGFiP, sans aucune création de postes. Deuxièmement, un service composé de trente personnes n'aura qu'une faible capacité d'action, et la création de ce service est bien loin de compenser la suppression de 3 100 emplois constatée depuis 2010 et largement dénoncée par les syndicats.

Pour ce qui est du « verrou de Bercy », je pense, comme Charles de Courson, que votre proposition ne va pas assez loin. Comme vous l'avez expliqué lors de votre récente audition par la mission d'information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, vous souhaitez en fait mettre en place un double verrou de Bercy, en instaurant un filtrage par l'Assemblée – ce qui n'entre pas dans le cadre de sa mission de contrôle – sans que le parquet puisse porter plainte pour fraude fiscale au nom de la société.

Je passe sur l'interdiction d'exercer un mandat social pour les dirigeants de société et sur la protection des lanceurs d'alerte, qui font toutes deux défaut à ce projet.

Enfin, je déplore que vous fassiez mine de vous attaquer à la fraude fiscale sans rien prévoir pour lutter l'optimisation fiscale qui, selon moi, n'est rien d'autre qu'une évasion fiscale légale, un véritable cancer de notre société, ce qui a été dénoncé dans le cadre des Paradise papers.

On sait que la fraude fiscale représente 60 à 80 milliards d'euros de pertes de recettes – un chiffre sur lequel s'accordent de nombreux syndicats. Pouvez-vous nous préciser quelle proportion de cette somme vous espérez récupérer grâce aux dispositions contenues dans ce projet ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.