Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Vous aviez suscité de grands espoirs, monsieur le ministre, en nous promettant qu'on allait voir ce qu'on allait voir... En fait d'artillerie lourde, nous n'avons eu droit qu'à un pétard mouillé, avec un texte qui se révèle très décevant.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine reconnaît qu'il contient quelques dispositions positives, notamment sur le rôle des intermédiaires qui concourent à la fraude fiscale, des acteurs qu'il est tout à fait pertinent de viser, car ils sont l'un des rouages essentiels de la mécanique d'évasion fiscale. Le débat sur le niveau de sanction à leur appliquer devrait être très intéressant.

La méthode du name and shame, qui consiste à rendre publics les cas de fraudes les plus graves, peut être un outil pertinent dans la mesure où il vient compléter un arsenal de sanctions existantes.

Plus largement, les quelques mesures qui donnent davantage de pouvoirs aux agents nous semblent aller dans le bon sens.

Cela dit, nous éprouvons un grand scepticisme vis-à-vis d'un certain nombre de dispositions. Alors que nous sommes favorables à la suppression du « verrou de Bercy », votre projet ne prévoit rien à ce sujet et, si vous laissez la mission d'information commune se terminer, vous avez fait des annonces relatives au thème sur lequel elle travaille.

L'annonce de la création d'une police fiscale et du détachement de trente à cinquante agents pour cette mission est une bonne nouvelle, mais il est permis de s'interroger sur l'efficacité du dispositif dès lors que des centaines de postes sont supprimés chaque année à la DGFiP – elle a ainsi perdu 3 200 emplois en cinq ans.

La procédure du « plaider-coupable » nous inspire également beaucoup de scepticisme. Nous nous demandons, en particulier, comment elle s'articulera avec la convention judiciaire d'intérêt public instaurée par la « loi Sapin II », qui a débouché sur une amende de 300 millions d'euros payée par HSBC, alors que cette banque avait blanchi pour 1,6 milliard !

Nous avons relevé d'importantes lacunes que nous proposerons de rectifier par voie d'amendement – on se demande, par exemple, où est passée la publicité des rescrits fiscaux, un temps évoquée.

Le sujet des paradis fiscaux, dont il est question à l'article 11, nous tient particulièrement à coeur. En la matière, votre projet de loi s'inspire de la liste européenne, ce que nous avions proposé il y a peu de temps, nous heurtant à un refus de votre majorité. En revanche, le texte exclut d'office les États européens, alors que certains sont, comme on le sait, des États pirates en matière fiscale – je pense à l'Irlande, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

Pour ce qui est des sanctions, nous serons vigilants quant à l'existence d'éventuels trous dans la raquette. Nous proposerons également de renforcer la transparence dans l'élaboration de la liste, par le biais d'un mécanisme d'information des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, comme cela était prévu dans notre proposition de loi, et souhaitons connaître votre avis sur ce point.

Un observatoire composé d'experts indépendants, de parlementaires et de fonctionnaires de Bercy pourrait également appuyer le Parlement dans le contrôle de cette liste : qu'en pensez-vous ?

Enfin, nous avons quelques propositions complémentaires, consistant à mettre au point un véritable reporting public, pays par pays européen ; à inscrire la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans la Constitution ; à organiser une conférence des parties (COP) fiscale mondiale ; et à accroître les restrictions d'accès à la commande publique pour les contribuables présents dans les paradis fiscaux.

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