Monsieur le ministre d'État, vous l'avez dit, nous entamons nos débats dans un moment de gravité, alors même que vous êtes totalement mobilisé dans la lutte contre le terrorisme islamiste, quelques jours après les attentats de Carcassonne et de Trèbes. Cette menace terroriste constante donne à nos débats un contexte singulier, un contexte qui n'est pas indifférent précisément parce qu'il faut éviter à tout prix d'agiter la confusion des sentiments entre le texte et le contexte, parce qu'il faut éviter de mêler les situations entre elles – d'un côté la lutte contre le terrorisme islamiste, de l'autre la gestion d'une crise migratoire mondiale. Selon les Nations unies, il y a eu, en 2017, 75 millions de déplacés à travers le monde, c'est un record absolu depuis la fin des années quarante.
Pour le groupe La République en Marche, si la majorité parlementaire devait avoir ne serait-ce qu'une leçon à tirer des événements récents, c'est précisément celle de refuser cette confusion des sentiments à l'heure où nous abordons le projet de loi sur l'immigration maîtrisée et le droit d'asile effectif. Il convient de garder la tête froide : je suis convaincu que c'est ce qu'attendent nos concitoyens.
Le projet de loi s'est inscrit, depuis plusieurs mois déjà, dans le débat public. C'est une bonne chose. Toutes les expressions sont utiles si elles portent sur les garanties que doit apporter l'État de droit, qui n'est pas une entrave mais le protecteur des libertés. Toutefois, les attaques ont parfois été brutales et souvent caricaturales. La meilleure façon d'y répondre, c'est d'entrer dans la réalité de votre projet de loi et non dans sa version fantasmée.
Sur quel constat pouvons-nous nous accorder, quelle que soit notre appartenance politique ? Face à la crise migratoire qui a connu une décrue fragile en 2016 et 2017, la chaîne française de l'asile est à bout de souffle. Les Français nous attendent sur ce sujet parce que c'est un peuple à la fois généreux et exigeant.
La première mesure d'humanité consiste à instruire les demandes d'asile en six mois et non en douze ou quatorze. Pour le demandeur d'asile dont la demande est fondée, l'accès à l'asile doit être le plus rapide possible pour mettre fin aux épreuves subies, auxquelles se sont ajoutées les conditions souvent inhumaines de son parcours, comme nous avons pu le constater intimement, viscéralement, monsieur le ministre d'État, lors de votre récent déplacement dans ce grand pays de transit qu'est le Niger.
Pour l'étranger qui ne peut ignorer l'absence de fondement de sa demande d'asile, la rapidité de la procédure est la clef de l'exécution effective de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui lui sera notifiée s'il ne détient aucun titre pour s'y maintenir. L'expérience montre qu'après quelques semaines, l'exécution de la mesure se heurte à des obstacles de tous genres qui expliquent en grande partie le très faible taux, en France, de reconduite. En parallèle, il convient de rester attentif à une donnée essentielle : si les grandes migrations Sud-Nord sont portées par la pauvreté, les conflits, les persécutions, les flux ne sont pas spontanés, ils sont organisés par des filières qui se passent le relais de frontière en frontière, quand elles ne sont pas organisées depuis le pays d'origine et les pays de destination. Il faut les combattre ; pour ce faire, la France consacre de grands moyens. Voilà le sens de la stratégie engagée par la France, elle est globale et je rejoins nombre des remarques qui ont été faites par la présidente de la commission des Affaires étrangères.
Pour enrichir ce texte, le groupe LaREM présentera plusieurs amendements, comme l'a indiqué la rapporteure, qu'il s'agisse de la durée de rétention pour cibler les effets les plus dilatoires, des garanties sur la vidéo-audience, le délai de recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ou encore la notification des décisions. Nous avons souhaité apporter des garanties supplémentaires tout en respectant les orientations du projet de loi : d'un côté être à la hauteur de nos exigences conventionnelles et constitutionnelles sur ce droit sacré qu'est le droit d'asile, de l'autre reconduire ceux qui, en situation irrégulière, ne peuvent plus rester en France une fois épuisées toutes les voies de recours et de protection qu'offre l'État de droit. C'est cette voie équilibrée que nous défendons à vos côtés, monsieur le ministre d'État.