Monsieur le ministre d'État, le texte que vous nous présentez ce soir porte des ambitions bien modestes, et nous allons vous le démontrer tout au long des débats. Il porte des ambitions bien modestes au regard de la crise migratoire inédite que traverse notre planète, notre continent et notre pays. D'ailleurs – et je pense que l'humour laissera place à la sagesse dans ce contexte –, le Conseil d'État a résumé assez simplement la faiblesse de ses ambitions puisqu'il indique dans son avis : « Nous aurions souhaité trouver dans le contenu du texte le reflet d'une stratégie publique fondée sur l'exacte mesure des défis à relever ». C'est dire, dans un langage codé et mesuré, combien votre texte ne répond en rien à la gravité de la crise que nous traversons, une crise migratoire fondée sur des questions géopolitiques et la multiplication des conflits démographiques. Le continent africain atteindra 2 milliards d'habitants en 2050 contre 1,2 milliard aujourd'hui ; le Nigeria aura une population supérieure aux États-Unis et une crise migratoire risque d'être suscitée par les évolutions climatiques. Le pire est devant nous. Cette crise, nous la ressentons déjà et fortement depuis plusieurs années, avec plus d'acuité depuis quelques mois au travers des chiffres qui marquent la politique migratoire en France. Avec 262 000 titres de séjour délivrés en 2017, nous avons atteint un record – certes, vous n'avez été au pouvoir que sur un peu plus de la moitié de l'année. Même si ce recensement est très aléatoire, on estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de clandestins : 311 000 personnes sont inscrites à l'aide médicale de l'État (AME), ce qui est un indicateur objectif.
Le nombre de demandeurs d'asile a, aussi, franchi un record : 121 000 demandes ont été déposées l'an dernier, dont 100 000 premières demandes. L'échec de l'intégration est majeur. Une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les conditions de travail des étrangers et leur acquisition des savoirs à l'école, démontre cet échec flagrant qui nourrit le communautarisme qui se développe malheureusement avec beaucoup de force et qui est le terreau du terrorisme. Les coûts budgétaires de ces politiques sont de plus en plus élevés : 2 milliards d'euros pour l'asile selon la Cour des comptes ; plus d'un milliard pour l'AME.
Vous êtes aussi confronté de plus en plus souvent, monsieur le ministre d'État, à l'incapacité d'éloigner ceux qui n'ont aucun titre ni aucun droit pour demeurer sur le territoire national puisque, selon la Cour des comptes, 96 % des déboutés du droit d'asile se maintiennent dans notre pays, et que, sur 92 000 obligations de quitter le territoire français prononcées, à peine 17 000 sont menées à leur terme.
Dans un tel contexte, nous considérons que ce projet n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels il prétend faire face. Certes, vous affichez des mesures de plus grande fermeté que nous approuvons : augmentation des durées de rétention et de retenue, limitation du caractère suspensif de l'appel devant la CNDA qu'avait imprudemment instauré le précédent Gouvernement – Gouvernement que beaucoup des membres de cette Commission soutenaient alors.
Pour notre part, nous le disons très clairement, nous voulons changer de cadre sur la base d'un principe simple : le respect du droit d'asile, qui a toujours été, quels que soient les régimes, et bien avant la République, un principe fondamental et l'honneur de la France. Mais nous voulons aussi réaffirmer qu'il est de notre responsabilité, je dirai même de notre devoir, de pouvoir choisir qui notre pays souhaite, peut et veut accueillir.
Au cours du débat qui s'ouvre, nous serons amenés à faire des propositions qui dépasseront très largement le cadre restreint et limité de ce projet de loi. Nous voulons, en effet, aller au-delà de la question essentielle, fondamentale, capitale, de l'asile et de la crise de l'asile. Ainsi, au travers de nos amendements, nous soulèverons celle du nombre d'étrangers en situation régulière dans notre pays qui est, selon nous, beaucoup trop élevé. Nous voulons instaurer des quotas d'accueil fixés chaque année par la Représentation nationale. Nous voulons limiter les modalités du regroupement familial, annuler la « circulaire Valls » et lutter de façon beaucoup plus déterminée contre l'immigration irrégulière, en refaisant de la rétention la procédure normale d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Nous voulons aussi, et je souscris pleinement à ce que vient d'indiquer Mme la présidente de la commission des Affaires étrangères, changer radicalement de cap en matière d'aide au développement. Cette aide doit être liée : aujourd'hui, le comportement de certains pays à l'égard de la France est inadmissible en matière de laisser-passer consulaires.
Enfin, monsieur le ministre d'État, et c'est une question que nous poserons avec beaucoup de gravité et beaucoup de force dans ce débat, nous voulons aller plus loin en matière d'éloignement de toutes les personnes de nationalité étrangère qui représentent une menace grave pour l'ordre public dans notre pays ; je pense en particulier à la menace terroriste. En fin de semaine dernière, dans un entretien à Ouest-France, vous avez revendiqué, en affichant une certaine satisfaction, l'expulsion de personnes radicalisées depuis un an. À l'automne dernier, au cours du débat sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Mme Jacqueline Gourault a indiqué que 15 % des personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) étaient de nationalité étrangère, soit aujourd'hui – j'attends que vous nous confirmiez ces chiffres – 3 000 personnes. Et vous revendiquez fièrement l'expulsion de 20 d'entre elles ? Pour notre part, nous déposerons des amendements pour faire en sorte que ceux dont nous connaissons la dangerosité, dans ce contexte de menace terroriste maximale, soient éloignés du territoire national.
Monsieur le ministre d'État, le groupe Les Républicains ne pourra pas voter ce texte, sauf si vous réservez un accueil favorable aux très nombreux amendements que nous allons défendre, avec sérieux et rigueur, pour en améliorer le contenu.