Les Turcs massacrent les Kurdes dans le nord du pays ; les Français, les Britanniques et les Américains en profitent pour attaquer des positions syriennes. Les Russes sont prêts à tout pour maintenir le pouvoir de Bachar el-Assad. Plutôt que de partir dans tous les sens, recentrons la présence internationale sur la lutte contre Daech ; sinon, elle n'a rien à faire dans la région.
Il n'est pas trop tard pour que la France assume sa responsabilité et son sens de l'audace sur la scène internationale, et qu'elle renoue avec sa tradition et sa culture d'opposition à toute forme de domination. Cette singularité, nous en avons été si fiers, lorsque, courageusement, en 2003, la France s'est opposée à la guerre en Irak, dénonçant la propagande mensongère des Américains pour tenter de justifier leur entreprise destructrice de l'Irak. La France avait alors refusé de céder à la diplomatie de l'émotion et des intérêts commerciaux, préférant la diplomatie de la raison. Cependant, depuis quelques années, elle est coutumière du fait : elle est en guerre en Afrique et au Moyen-Orient, comme cela vient d'être rappelé. Ce sont autant de tragédies qui ont offert un terreau propice à la propagation de l'idéologie mortifère de Daech.
Pour toutes ces erreurs passées, il serait logique que la représentation nationale soit pleinement impliquée dans le déclenchement et le suivi de ces opérations militaires. Jusqu'à aujourd'hui, il n'en est rien. Notre Parlement a été mis à l'écart des décisions qui lançaient ces opérations tous azimuts. À quoi sert-il de s'exprimer, une fois que les armes frappent ? Hier encore, le Président s'est satisfait de ce véritable angle mort de la Ve République. Il est d'ailleurs insupportable de voir comment, de New York à Paris, notre pouvoir politique a justifié les attaques de ce week-end : des leçons de morale, toujours des leçons de morale ! Mais plus personne ne les écoute, puisque c'est au nom de ces leçons de morale démocratique que sont advenues les pires aventures militaires, par exemple en Irak ou en Libye.
Demain, Bachar el-Assad devra être jugé pour les crimes insupportables perpétrés contre son propre peuple. D'autres devraient l'être aussi peut-être. Mais aujourd'hui, qu'on le déplore ou non, toute solution politique doit passer par lui. L'indignation contre le dirigeant syrien est juste et salutaire, même si elle masque difficilement la diplomatie à géométrie variable de la France. C'est précisément cela qui sape le peu de crédibilité qu'elle a encore.
Les alliances actuelles avec les gouvernements les plus réactionnaires, tels ceux de l'Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis, doivent, quant à elles, être reconsidérées au regard d'autres critères que celui de la vente d'armes, surtout lorsque les armes françaises contribuent à mener une guerre inique et sanglante contre le peuple du Yémen. Or l'horreur du chaos yéménite ne fait l'objet d'aucune forme d'intérêt de la part des trois puissances occidentales. Cette indignation sélective est insupportable.
En outre, les frappes en Syrie ont été justifiées par des concepts diplomatiques infamants : celui de « monde libre » en France et celui de « monde civilisé » aux États-Unis. Ces mots ne devraient jamais trouver leur place au sein d'une diplomatie responsable, car, qui dit monde libre, dit monde non libre, et qui dit monde civilisé, dit monde non civilisé.
Le 19/05/2018 à 10:13, chb17 a dit :
Selon JP Lecoq, "demain, Bachar el-Assad devra être jugé pour les crimes insupportables perpétrés contre son propre peuple". Kadhafi n'a pas été jugé. Saddamm Hussein a été vite exécuté, sans qu'un procès équitable lui permette de révéler les crimes de la coalition ("du bien" !). Gbagbo croupit toujours en sa geôle, non jugé, pendant que paradent ceux qui l'ont spolié et enfermé.
Cela n'arrive pas souvent qu'un dirigeant soit jugé pour ses crimes, encore moins quand il est du côté des vainqueurs. Ainsi Bush, Blair, Mitterrand, LeDrian etc. n'ont pas été jugés ni bien sûr exécutés, quoique responsables reconnus de saletés (pragmatiques ?).
Concernant la France, aujourd'hui militairement présente en Syrie, on se demande si elle combat Daesh ou si elle appuie plutôt toute force susceptible de renverser "le régime" et de dépecer la Syrie trop résistante. Ne soutient-on pas le régime d'apartheid israélien, par ailleurs responsable d'une centaine de frappes criminelles contre Damas ?
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