Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 17 avril 2018 à 15h00
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Finalement, ce candidat, devenu Président de la République, n'a pas dérogé à une pratique devenue habituelle depuis quinze ans, à savoir demander au Gouvernement de préparer une nouvelle loi sur l'immigration. Depuis 2003, tous les deux ans, une loi est adoptée, ce qui porte le total à sept, sans compter celle-ci.

Évidemment, la teneur du projet de loi surprend car elle s'inscrit à front renversé par rapport aux déclarations antérieures.

Nous sommes plusieurs à avoir rappelé dans les débats de ces dernières semaines comment les choses se passent dans la vraie vie. Nous restons songeurs car les problèmes concrets ne sont nullement pris en compte ici. Une fois le texte adopté, il sera certainement possible de dire, en s'appuyant sur la gouvernance par les chiffres, que les rétentions administratives sont plus nombreuses et plus longues, que le contentieux sera moindre et que les droits potentiels accordés sont limités. Mais cela changera-t-il la réalité et la nature des problèmes ? Rien n'est moins sûr. Sera-t-on plus efficace ? C'est loin d'être assuré.

Les faits sont têtus : en moyenne, moins d'une personne sur deux placée en rétention quitte le territoire ; près de deux tiers des éloignements réalisés le sont depuis l'outre-mer – 61 % – , un peu plus d'un tiers depuis la métropole – 39 % – ; seules 10 % des procédures de transfert au titre du règlement européen dit « de Dublin » aboutissent.

Les causes sont, pour une large part, identifiées : absence d'exécution des mesures de reconduite prononcées ; manque de places dans les centres de rétention administrative ; nationalité incertaine ou difficile à éloigner ; défaut de délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des États tiers. Parallèlement, les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » diminuent de 1,4 % sur la période 2018-2020, aux termes de la loi de programmation des finances publiques. Donc, vous proclamez sans traiter.

Revenons à la discussion parlementaire, après trente-cinq heures passées en commission des lois. Je souhaite appeler votre attention, d'une part, sur une disposition significative de nos échanges et, d'autre part, sur un amendement que nous défendons.

L'article 5 tend à réformer la procédure d'examen des demandes d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – l'OFPRA – afin de réduire les délais d'instruction et de dissuader les demandes « pouvant apparaître comme étrangères à un besoin de protection ». Il réduit de 120 à 90 jours le délai courant dès l'entrée d'un étranger sur le territoire au-delà duquel la procédure d'instruction sera accélérée. Comme le rappelle le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les obstacles linguistiques et matériels auxquels se heurtent les demandeurs d'asile à leur arrivée sur le territoire, la nécessité de bénéficier d'un accompagnement juridique et social pour rédiger leur demande ainsi que les difficultés rencontrées par certains d'entre eux pour accéder aux plateformes d'accueil des demandeurs d'asile ou aux centres d'accueil et d'examen de situation, rendent ce délai difficilement tenable.

En commission, l'argument qui a été avancé fut l'accélération de l'examen des demandes. Or 40 % des dossiers sont d'ores et déjà traités selon la procédure accélérée. Le seul effet attendu de cette mesure sera d'augmenter sensiblement ce pourcentage et de faire de la procédure accélérée une procédure de droit commun, …

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