Le Gouvernement, nous le savons tous, profite d'un contexte mondial très favorable, avec une croissance globale proche de 4 % entre 2018 et 2019, soit le double de la croissance française. Notons également que ces chiffres s'appuient sur des prévisions qui pourraient se révéler très optimistes. Dans son avis, le Haut conseil des finances publiques relève des facteurs d'incertitude tels que la « politique budgétaire très expansive » des États-Unis, qui pourrait alimenter plus que prévu l'inflation, la « poursuite de la hausse des cours de pétrole », la « mise en place de mesures protectionnistes » ou les « tensions géopolitiques ». On pourrait ajouter à cette liste les raisons structurelles mêmes des crises financières que nous connaissons depuis plusieurs années, notamment de la dernière en date, celle des subprimes.
Car, nous le savons tous, la question n'est malheureusement pas de savoir si une nouvelle crise financière surviendra, mais plutôt quand elle se déroulera. Les importants soubresauts boursiers au début du mois de février l'ont laissé entrevoir. Malheureusement, avec le découplage actuel entre les cours de la bourse et la réalité, nous ne doutons pas que l'ajustement qui se prépare sera, nous n'en doutons hélas pas, très brutal.
Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international – FMI – , l'a elle-même dit très clairement : « Il nous faut anticiper d'où viendra la prochaine crise. » La politique monétaire menée depuis des années par la Banque centrale européenne, comme la politique fiscale de ce gouvernement en faveur de la finance, je le crains, ne feront qu'aggraver les effets de la prochaine explosion, comme ce fut le cas en 2010.
Au demeurant, si le programme de stabilité nous présente un contexte économique positif, nous devons nous demander si cela se traduit par un plus grand bien-être pour les populations.
Le climat social actuel, avec des mobilisations dans tous les secteurs de la société, avec une grogne qui se fait entendre partout – dans les universités, à l'hôpital, à la SNCF, dans tous les services publics, hormis ceux qui ont une vision conspirationniste de l'histoire et qui pensent qu'il suffit de quelques députés de La France insoumise pour la produire – répond à la question posée. Les citoyens sont tout sauf satisfaits de la politique qui est menée, et ils le font entendre.
La vision étriquée du macronisme – faut-il d'ailleurs employer ce néologisme, plutôt que parler tout simplement de néolibéralisme ? – est bel et bien nocive. De ce point de vue, nous le disons très clairement, le niveau du PIB ou du déficit ne suffisent pas à mesurer les effets d'une politique.
Le Gouvernement veut appauvrir et affaiblir l'État en baissant à la fois les dépenses et les recettes publiques. Il démantèle les services publics par le programme « Action publique 2022 » – je ne fais que citer le contenu et les objectifs du rapport – , réduit drastiquement les effectifs de la fonction publique, comme cela a été dit, dans le but de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et veut appliquer l'austérité salariale. Selon le rapport, « tous les sous-secteurs des administrations publiques, État, collectivités locales, administrations de sécurité sociale, contribueront à ce ralentissement de la dépense [… ]. La dépense locale connaîtrait un net ralentissement en 2018, après une année 2017 allante [… ] », ou encore : « la maîtrise des revalorisations salariales permettra notamment une nette décélération de la masse salariale publique ». Ça, c'est pour la politique de l'offre et d'austérité salariale !
L'objectif du Gouvernement est donc de transférer vers la sphère privée toujours plus de services essentiels – ceux, en tout cas, qui sont rentables selon la logique du marché. Pourtant, il faut le répéter sans relâche, le service public, c'est le patrimoine de ceux qui n'ont rien.
Et, pour masquer cette politique austéritaire, on n'hésite pas à recourir aux fake news, dont la dernière en date est l'affirmation par le chef de l'État, lors de son interview sur BFMTV, que nous allons connaître une augmentation du budget de la santé et des hôpitaux : il a oublié de dire que, de manière tendancielle et officielle, les dépenses vont augmenter de plus de 4 %, de sorte qu'au total le budget de la santé diminue de 4,2 milliards d'euros, dont 1,6 milliard pour l'hôpital. Ce sont donc des efforts supplémentaires qui sont demandés au secteur de la santé publique.
Dans ce plan quinquennal pour les finances publiques, il est une fois de plus très peu question d'investissement. On essaie de nous refaire le coup du plan d'investissement nouveau de 57 milliards d'euros ; nous avons largement démontré, je crois, lors de l'examen du projet de loi de finances qu'il ne représente en réalité que 24 milliards de crédits nouveaux. À quoi La France insoumise répond dans son programme que c'est un plan d'investissement de 100 milliards d'euros sur cinq ans qui est nécessaire pour résoudre les problèmes sociaux et opérer la transition énergétique.
En ce qui concerne la priorité que constitue la barre des 3 % de déficit public – un chiffre, rappelons-le, très arbitraire, né sur un coin de table dans les années 1980, à Bruxelles, d'un échange entre quelques personnes, et qui obsède désormais la Commission européenne – , je remarque que Bruno Le Maire disait en octobre 2017, au micro de France Inter, vouloir sortir de la procédure de déficit excessif, qu'il qualifiait d'« humiliation pour la France ». Je vous repose à peu près la même question qu'à l'époque, monsieur le ministre : la véritable humiliation pour la France, n'est-ce pas le fait que 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté ? Or cette trajectoire austéritaire risque de faire grandement augmenter leur nombre.
L'austérité appliquée par le Gouvernement se traduit aussi par une baisse des impôts, mais pour certains seulement, qui représentent une part très réduite de la population française : les plus riches des actionnaires. Cela aussi, nous l'avons dit pendant le débat budgétaire. Suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, flat tax, etc. : il y aura au total 9 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux actionnaires les plus riches.
À ce sujet, je note une nouvelle contradiction entre le chef de l'État et vous, Bruno Le Maire : vous revendiquiez cet aspect ici même à l'automne – de manière courageuse, je l'avais noté, même si je n'étais pas d'accord – en invoquant le « théorème » de Schmidt, selon lequel nourrir le capital aujourd'hui fera les investissements de demain et les emplois d'après-demain. De cette politique, on n'a jamais vu le moindre effet depuis qu'elle a commencé d'être appliquée en Europe, voici une quarantaine d'années : les milliards supplémentaires dans les poches des riches, à moins de recourir à la contrainte – ce que vous ne projetez pas de faire – , ne vont pas dans l'économie réelle, mais viennent grossir la rente et la spéculation financière. C'est ce que confirme le fait que près de la moitié des 93,4 milliards d'euros de profits réalisés par le CAC 40 en 2017 – record historique – soit partie en spéculation au lieu de servir à l'investissement.
Le programme des prochaines baisses d'impôt pour la période à venir n'est pas plus égalitaire. En 2019, le dispositif du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, totalement inutile à l'emploi, sera transformé en exonération de charges pérenne. La même année, l'État devra également payer le crédit d'impôt aux entreprises au titre de 2018. C'est la double peine pour les finances publiques !
Le programme de stabilité expose très clairement le dogme libéral appliqué sous le règne de M. Macron. Le Gouvernement est en marche sur deux jambes : l'austérité pour le peuple et les cadeaux pour les plus riches.