Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, pour la première fois depuis dix ans, le déficit budgétaire, marqueur de la dérive des comptes publics, est certes passé en dessous de la barre des 3 % par rapport au PIB. Le déficit s'améliore facialement, mais il serait bien inopportun de crier victoire puisque tous les autres indicateurs, eux, se dégradent.
En effet, si les comptes publics se sont améliorés l'an passé, c'est essentiellement grâce à l'accélération de la croissance économique, une augmentation importante des impôts et des cotisations sociales alimentant, au-delà des prévisions, les caisses de l'État et de la sécurité sociale. Le niveau des prélèvements obligatoires a ainsi été porté à l'incandescence : 44,6 % de la richesse créée par les Français en 2016. Messieurs les ministres : 2 % de croissance et 1 % d'inflation, c'est plus 40 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales supplémentaires. Une bonne surprise sans doute, mais qui ne cache malheureusement pas une évolution moins reluisante, celle de la dérive des dépenses publiques.
Le Gouvernement s'était engagé à stabiliser la dépense publique hors inflation jusqu'en 2020, objectif bien vite abandonné : en octobre 2017, il était finalement question d'une augmentation de 0,6 % de la dépense en volume pour 2018, et aujourd'hui vous nous annoncez 0,7 %. Quant au ratio des dépenses publiques rapportées au PIB, le dérapage est manifeste : si, à l'automne 2017, une trajectoire conduisant à une baisse de 3 points était annoncée pour 2022, une aggravation de 0,4 point est prévue en 2017 et en 2018, ramenée péniblement à 0,1 point en 2019… L'essentiel des efforts étant bien entendu reporté à la fin du quinquennat.
La nouvelle trajectoire du déficit public est donc avant tout une traduction comptable de la croissance, absolument pas le reflet d'efforts, comme vous voulez nous le faire croire. Cet effet de manche ne provient que d'un simple effet mécanique, les comptes publics étant toujours largement en déficit. Notons que la dette publique en euros a continué de croître en 2017 pour atteindre 2 218 milliards en fin d'année contre 2 152,5 milliards fin 2016. Ainsi, l'endettement public culminait à 96,7 % du PIB fin 2017, un record, un taux historique, après une augmentation continue depuis la crise financière.
La France est évidemment très en retard par rapport à ses partenaires européens : en 2017, l'endettement des vingt-huit pays de l'Union atteignait en moyenne 88,1 % du PIB : à mettre en regard avec nos 96,7 %… La comparaison avec nos voisins européens est sans appel : en 2017, la croissance de la zone euro se monte à 2,5 % quand celle de la France plafonne à 2 %. Le Haut conseil des finances publiques considère que « le scénario retenu d'une croissance effective demeurant continûment supérieure à la croissance potentielle jusqu'en 2022 est optimiste ».
Ces constats, messieurs les ministres, devraient vous conduire à moins de triomphalisme. Votre gouvernement apparaît incapable de profiter de la croissance pour réformer en profondeur.