Intervention de Didier Porte

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Didier Porte, secrétaire confédéral de la CGT-FO :

Balayer le contenu d'une telle loi en si peu de temps ne constitue certes pas un exercice facile.

Au sujet de l'articulation et de la décentralisation de la négociation collective vers l'entreprise, Force Ouvrière demeure favorable à ce que le plus grand nombre de dispositions possible continuent de relever de la loi, plutôt que de « descendre » au niveau de la branche, et à plus forte raison à celui de l'entreprise.

S'agissant de la décentralisation de la négociation, nous sommes de ceux qui ont toujours voulu renforcer le niveau de la branche, car nous considérons qu'il constitue le niveau pertinent de négociation, seul susceptible d'amener la négociation vers l'égalité de traitement des salariés d'une même branche et de lutter contre le dumping social. Aujourd'hui existent six thèmes pour lesquels n'existe aucune possibilité de dérogation au niveau de l'entreprise ; ce que nous recherchons dans le cadre de la concertation actuelle, c'est élargir le plus possible ces six thèmes. Nous verrons également quel sort sera réservé à la pénibilité, autre question très importante pour la santé et la sécurité des travailleurs, et sur laquelle je reviendrai à propos de la fusion des instances représentatives.

Le but est donc bien d'élargir le plus possible les thèmes qui ne dépendraient que de la négociation de branche. Des questions se posent ensuite au sujet des thèmes réservés à cette négociation, mais qui seraient susceptibles de faire l'objet de dérogation pour les petites entreprises, comme le prévoit le projet de loi. Dans la mesure où le texte présenté ne l'évalue absolument pas, il nous est difficile de nous prononcer sur ce système ; nous ignorons notamment quels seront les sujets réservés à la négociation de branche susceptibles d'être modifiés par la négociation d'entreprise.

Ainsi, bien des incertitudes demeurent, au sujet des rémunérations annexes notamment. Aujourd'hui, c'est très souvent la branche qui définit une prime de vacance, une prime de panier, etc., et il est hors de question, selon nous, que l'entreprise puisse aborder de tels sujets et apporter des modifications importantes. Certains thèmes doivent absolument rester du ressort de la négociation de branche.

Au cours de la concertation, nous avons identifié un certain nombre de lignes rouges, et nous jugerons sur pièces lorsque nous prendrons connaissance du contenu des ordonnances. Aujourd'hui, faute d'en connaître le détail, il nous est difficile de nous exprimer avec précision sur les dispositifs prévus par ces textes.

S'agissant de la présomption de légalité, nous avons quelques réticences, car nous considérons que la négociation collective ne doit pas relever de la seule loi, et que le juge doit conserver des marges de manoeuvre afin d'apprécier si un accord d'entreprise peut être validé ou non.

Au sujet de la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail, nous considérons que ce qui a été négocié entre l'employeur et le salarié ne doit pas être remis en cause par un accord collectif. Nous sommes encore moins favorables à la possibilité de licencier le salarié ou les salariés qui refuseraient le changement du contenu de leur contrat de travail sur la base d'un licenciement préqualifié, sui generis, etc., tout à fait contestable au regard des conventions internationales.

Comme les intervenants précédents, Force Ouvrière refuse la négociation avec l'employeur en l'absence de représentation syndicale, la négociation multipartite devant demeurer la règle.

S'agissant de la simplification et du renforcement du dialogue social, nous considérons que la fusion des instances existantes risquerait de remettre en cause leurs prérogatives. Au sein des CHSCT, certains de nos militants s'occupent depuis vingt ans des questions très sensibles de la santé et de la sécurité des travailleurs. Aussi considérons-nous que la fusion des instances conduira à un discours d'ordre général ainsi qu'à la professionnalisation des mandats et des instances représentatives du personnel. Une somme importante d'informations risque de se trouver noyée au point de ne plus pouvoir faire l'objet d'un traitement précis.

Nous demandons par ailleurs que le CHSCT conserve sa personnalité morale, de manière qu'il puisse ester en justice sur des questions aussi sensibles que la santé et la sécurité au travail. On a pu constater, à l'occasion de la discussion de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, que les dispositions concernant la médecine du travail visaient à contourner le manque d'effectifs de médecins du travail et conduisaient par conséquent à des glissements de tâches. Ils se traduisaient par exemple par la suppression de certaines visites médicales. C'est pourquoi restreindre l'autonomie du CHSCT ne sera pas sans dommages sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Ensuite, il n'existe pas quatre voies de représentation, à nos yeux, mais trois seulement : CHSCT, délégués du personnel et comité d'entreprise, tous organes composés d'élus tandis que le quatrième est composé de personnes désignées et n'intègre pas les organisations syndicales dans les rouages de l'entreprise. Or, pour nous, intégrer le délégué syndical dans un conseil d'entreprise est une révolution copernicienne à laquelle nous ne sommes pas prêts, c'est une question de culture. L'« ADN » de Force Ouvrière est l'indépendance syndicale, et l'intégration évoquée reviendrait à institutionnaliser le syndicat, à la manière allemande ; nous y sommes d'autant moins favorables que, apparemment, toutes les dispositions relatives au conseil d'entreprise, notamment en ce qui concerne le droit de veto ou la codécision, ne seraient pas intégrées, et ce pour satisfaire les revendications patronales.

Enfin, après avoir flexibilisé les droits des salariés, il ne faudrait pas qu'on sécurise ceux des employeurs. Ainsi, favorables à l'augmentation des indemnités légales, nous sommes évidemment opposés au plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Nous resterons donc très attentifs à la volonté du Gouvernement d'instaurer ce plafonnement, ainsi qu'aux dispositions relatives aux dommages et intérêts versés aux salariés à la suite d'un licenciement abusif.

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