Intervention de Gilles Salvat

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 16h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Gilles Salvat, directeur général délégué au pôle recherche et référence de l'ANSES :

Les procédures d'autocontrôle de l'environnement après nettoyage et désinfection ne sont pas obligatoires, elles sont inscrites dans le plan HACCP (Hazard analysis criticla control point) de l'usine. C'est le plan de maîtrise de l'hygiène que l'industriel présente aux services vétérinaires et qui constitue un des éléments de l'agrément de l'usine. Je n'ai pas l'information précise pour cette usine, mais très vraisemblablement, une telle procédure de contrôle après nettoyage et désinfection a dû être mise en place. En revanche, en cas de résultats positifs dans l'environnement de l'usine, il n'est pas obligatoire de les transmettre aux services de l'État.

Puisque vous nous avez demandé notre avis, je dirai que l'ensemble des résultats, négatifs ou positifs, sur le produit ou sur l'environnement, sont des informations sanitaires importantes pour gérer le risque – qu'il soit lié aux salmonelles ou à d'autres contaminations potentielles. Il me semble bon qu'il existe une transparence de ces autocontrôles vis-à-vis des services de l'État, ne serait-ce que pour discuter avec eux des mesures à prendre : ce n'est pas gravé dans le marbre, il n'est pas évident de savoir que faire lorsque l'on trouve une salmonelle dans l'environnement d'une usine comme celle-ci. Faut-il arrêter la production, faut-il rappeler l'ensemble des lots fabriqués depuis le dernier contrôle négatif pour refaire un échantillonnage ? Autant de questions auxquelles je n'ai pas forcément les réponses ; elles vont dépendre de l'endroit, dans l'environnement de l'usine, où les salmonelles ont été trouvées.

Mais il est sûr que dans une usine comme celle-ci, si les prélèvements contaminés, comme ceux qui ont été trouvés par les services vétérinaires lors de leurs contrôles début décembre, sont trouvés à un endroit où la poudre de lait est en contact avec l'atmosphère extérieure de la pièce, le risque qu'une salmonelle qui se trouve sur le sol ou sur les murs se retrouve ensuite dans la poudre de lait n'est pas négligeable. On ne peut pas faire comme si on n'avait pas trouvé de salmonelle, et il y aura donc certainement des mesures à prendre de la part de l'industriel pour s'assurer que les lots qui ont été produits depuis le dernier contrôle ne sont pas positifs.

Mais à votre question précise : existe-t-il une obligation de transmission de résultat quand l'environnement est contaminé, la réponse est non, il n'y a pas d'obligation réglementaire. Je sais que les services du ministère de l'agriculture réfléchissent à un changement éventuel.

Pour faire le point sur les procédures d'échantillonnage sur ce type de produits, on prélève généralement une trentaine d'échantillons par lot en cours de fabrication, avec des systèmes de prélèvement automatique qui permettent de prélever 25 grammes de poudre et de les analyser. Ces systèmes d'échantillonnage sont ceux qui ont été recommandés par la Commission européenne ; nous y avions travaillé dans un rapport sur les procédures d'échantillonnage pour les poudres de lait infantile, édité en 2008 suite à la crise de 2005. Un avis nous avait alors été demandé, et nous avions beaucoup travaillé sur ces procédures d'échantillonnage. Celles qui ont été adoptées dans cette usine sont conformes à l'état de l'art.

Les analyses ont soit été réalisées selon la norme ISO 6579, qui est la norme internationale pour la recherche de salmonelles, soit par des méthodes rapides reconnues comme équivalentes à cette norme ; l'équivalence de ces méthodes d'analyse avant la commercialisation est attestée. Autrement dit, les méthodes d'analyse utilisées sont conformes à l'état de l'art et aux bonnes pratiques pour la recherche de salmonelles : elles permettent normalement de détecter une salmonelle dans la prise d'essai.

Le problème est justement la prise d'essai. Pour des produits en poudre, les lots qui sont ensuite transférés dans différentes boîtes correspondent à un container de 850 kg de lait en poudre. S'il y a quelques salmonelles dans un container de 850 kg, le facteur limitant pour les détecter n'est pas la technique d'analyse, mais la technique d'échantillonnage. Quand un produit liquide est contaminé par une salmonelle, la contamination va être très homogène, et un échantillon de 25 grammes permettra de la détecter. Mais dans un produit sec, recontaminé après le séchage par quelques salmonelles, c'est le nombre de prises d'essai qui sera déterminant.

On peut augmenter les plans d'échantillonnage pour améliorer la sécurité ; une saisine nous est d'ailleurs arrivée du ministère de l'agriculture pour savoir comment renforcer le plan d'échantillonnage dans cette usine pour reprendre l'activité dans de bonnes conditions de sécurité. Mais de toutes les façons, l'échantillonnage du produit ne garantit jamais à 100 % que le produit ne va pas être contaminé. La contamination est hétérogène, et l'échantillon que l'on analyse n'est jamais celui que l'on consomme, puisque la première opération consiste à le détruire en le faisant fermenter pendant vingt-quatre heures dans un milieu de culture qui permet de revivifier les salmonelles, qui sont un peu stressées dans les milieux secs. On ne consomme donc pas l'échantillon analysé, mais un échantillon du même lot. Il y a donc un risque statistique chaque fois que l'on fait un échantillon, qui a été calculé : si l'on prend trente échantillons sur un lot de fabrication et qu'on n'y trouve pas de salmonelle, on peut passer à côté de 1,4 salmonelle par boîte de 900 grammes, boîtage traditionnel pour ce type de produit. Autrement dit, on ne garantira pas la sécurité du consommateur en augmentant le nombre d'échantillons. Évidemment, cela augmente le niveau de sécurité statistique, mais cela ne permet pas de le garantir. Une garantie supplémentaire est apportée par la mesure de la contamination de l'environnement, puisque l'on pense que c'est une des sources principales : le lait utilisé étant pasteurisé, nous pensons que c'est de ce côté-là que se situe le risque de recontaminations après pasteurisation.

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