Vous m'aviez interrogé sur les autres salmonelles que nous avons trouvées. Salmonella Agona n'est pas une souche très fréquente en filière bovine, nous avons terminé une enquête fine 2016 sur la contamination de cette filière, et dans les dix sérovars particulièrement prévalents dans la filière bovine, nous n'avons pas trouvé de S. Agona. En premier, nous avons trouvé S. Mbandaka, et en deuxième S. Montevideo, qui sont des salmonelles assez typiques de troupeaux bovins. Nous les avons aussi retrouvées dans les environs de cette usine, il n'y a donc pas que S. Agona, mais on n'a pas observé de cas de contamination humaine à ce sérotype lors de cet épisode. Cela signifie qu'il existe des salmonelles typiquement bovines dans l'environnement de cette usine, et les échantillonnages qui ont été faits, notamment sur des roues de camion ou des garde-boue de transports de lait cru, ont permis d'identifier ces salmonelles : on les retrouve fréquemment dans l'environnement des troupeaux laitiers.
L'important est d'éviter que les salmonelles n'entrent à l'intérieur même de l'usine. La pasteurisation se déroule dans une autre partie de l'usine ; dans la partie où l'on prépare le lait en poudre, on fait entrer du lait pasteurisé et d'autres ingrédients qui y sont rajoutés. Il faut être très vigilant sur la qualité et la sécurité microbiologique de ces composants, mais aussi sur tout ce qui peut entrer par les chaussures, le personnel, sur tous ces aspects qui relèvent de ce que l'on appelle communément la biosécurité. Le plan de maîtrise sanitaire de l'établissement est constitué de toutes ces mesures ; il ne se résume pas à l'analyse. L'analyse sanctionne le fait que tout a été respecté et que le produit, à la fin, est sain, loyal et marchand et ne contient pas de salmonelles. Quand elle est positive, c'est évidemment un signal fort ; mais quand elle est négative, cela signifie seulement qu'au risque statistique près, aucune salmonelle n'a été trouvée, ce qui ne veut pas dire qu'il n'en existe pas. Il est donc important que toutes les autres procédures soient respectées pour éviter d'avoir des salmonelles, et que s'il y en a, il y en ait le moins possible.
S'agissant de l'ANSES, elle joue deux rôles dans ce type de crise. Nous avons fait un tri parmi toutes les souches de Salmonella Agona qui nous ont été adressées par les laboratoires d'analyse, puis nous les avons adressées à l'Institut Pasteur pour les faire séquencer. Et en ce moment, nous sommes en train de recevoir toutes les souches qui ont été isolées par les deux laboratoires qui travaillent pour la société Lactalis, et nous les transmettons au Centre national de référence (CNR). Nous ne faisons pas nous-même le séquençage dans ce cas précis, car le séquençage fait appel à beaucoup de bio-informatique. Nous avons la machine pour le faire, mais le CNR a déjà commencé à mettre au point un pipeline d'analyse et d'assemblage de séquences pour cette salmonelle. Donc, pour des raisons de bonne coordination entre les services de l'État et d'efficacité du travail, nous lui transférons les souches. Nous en avons reçu un peu plus de 200 et nous allons en transférer une partie pour séquençage, afin de poursuivre cette enquête. C'est l'un de nos rôles dans ce type de crise.
En fonction de nos compétences et de celles des personnes qui travaillent dans nos laboratoires, le ministère de l'agriculture peut également faire appel à nous pour appuyer ses services dans l'émission d'hypothèses. En l'occurrence, le directeur général de l'alimentation m'a demandé d'accompagner une visite de ses services dans l'usine, le 23 janvier, pour essayer de voir d'où pouvait venir cette contamination. C'est aussi pour cette raison que j'ai quelques éléments et quelques hypothèses sur le sujet.