Intervention de Roland Desbordes

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) :

Effectivement, le laboratoire de la CRIIRAD est reconnu.

Quand on surveille l'environnement, on commence par l'air. On surveille l'air dans la vallée du Rhône, là où nous sommes installés. Notre réseau est financé en partie par nos adhérents, mais beaucoup aussi par les collectivités locales. C'est même à l'initiative de ces dernières que nous avons démarré ce réseau, qui va s'étendre à la Suisse. Il faut dire que l'on est tout près de Genève. D'ailleurs, vous l'avez sans doute appris, la mairie de Genève est très remontée contre la centrale du Bugey. Pour l'air, il y a donc un réseau régional.

Nous surveillons aussi les sols, les plantes, l'eau, les aliments, etc. Nous faisons des contrôles autour des installations nucléaires, pour voir ce que fait l'exploitant. Celui-ci procède lui-même à des milliers de mesures chaque année – c'est l'auto-surveillance de l'exploitant. En dehors de l'exploitant lui-même, des experts interviennent également dans ces domaines, comme l'IRSN. Je le précise : lorsque nous prélevons le même échantillon au même endroit, nous trouvons les mêmes résultats. Il n'y a pas débat sur ce point.

Malheureusement, on ne peut pas emporter tout l'environnement dans un laboratoire. Donc, il faut faire des choix dans les prélèvements auxquels on va procéder et sur le lieu où on va les faire. Et c'est là qu'il y a débat.

Nous estimons en effet que les plans de surveillance de l'environnement ne sont pas pertinents. Nous en avons fait évoluer quelques-uns. Par exemple, nous avons un peu amélioré celui de Romans, où j'habite. Cela consiste à faire quelques analyses et à déterminer si cet environnement présente une radioactivité anormale et contaminée – donc s'il y a pollution – ou s'il n'y pas de de problèmes de radioactivité.

Le problème vient du fait que les exploitants et les experts payés par l'exploitant procèdent à des prélèvements, soit inopinés, soit programmés dans un plan, qui ne sont pas toujours pertinents. Ainsi, il y a peu de risques de trouver de la radioactivité dans de l'eau du Rhône prévelée au hasard. En revanche, vous en trouverez dans certains compartiments du milieu aquatique – plantes, les poissons, sédiments.

L'exploitant veut surtout communiquer autour de ses prélèvements et régulièrement, dans les réunions, il fait un rapport sur le bilan environnemental. Il reconnaît qu'en fonctionnement normal, il rejette de la radioactivité. C'est d'ailleurs légal – mais pas légitime, selon nous – d'en rejeter dans des limites données. Si donc il reconnaît rejeter des becquerels dans l'air et dans l'eau, il n'en retrouve cependant pas dans l'environnement. C'est un peu miraculeux, non ? Nous l'avons retrouvée, nous, cette radioactivité et c'est là qu'il y a débat. On va nous reprocher d'être allé la chercher. Et elle n'est pas forcément là où on l'attendait. Ainsi, nos études sur le Rhône ont entraîné d'assez nombreuses polémiques avec EDF, Areva et l'IRSN, qui avait produit des rapports et des bilans décennaux, etc.

Notre objectif est d'informer les gens quand il y a une pollution et de corriger la communication des exploitants. On va commencer par faire reconnaître qu'il y a de la radioactivité, là où nous n'étions pas censés en trouver normalement, vérifier ensuite si c'est légal ou non et si cette pollution a, ou non, un impact sanitaire. C'est là que s'ouvre le débat.

Malheureusement, celui-ci est rare. En tant que membre associatif, nous pouvons simplement poser une ou deux questions dans les réunions des CLI. Souvent, nous n'avons pas de réponse, et c'est frustrant. En dépit de nos demandes, nous n'avons jamais eu l'occasion de soumettre nos rapports environnementaux ni notre travail. C'est arrivé une seule fois, lorsque, à la demande des élus locaux, nous sommes allés présenter, dans les CLI de la Drôme, l'étude que nous avions faite sur les transports. Il est dommage de ne jamais pouvoir confronter nos travaux devant des élus ou des associations dans le cadre des CLI.

Je trouve également choquant de ne pas pouvoir avoir accès aux nappes phréatiques qui sont sous les centrales nucléaires et qui, comme on le sait, sont toutes polluées par la radioactivité. Le problème est que pour procéder à des mesures, il faut entrer dans l'installation pour analyser, à partir des piézomètres posés par les exploitants, l'eau qui se trouve sous la centrale. Or chaque fois que nous avons demandé à EDF – car cela concerne surtout EDF – l'autorisation de faire ce genre de prélèvements, cela nous a été refusé. Il n'est pas normal que cet environnement nous soit inaccessible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.