Monsieur Desbordes, vous avez commencé votre présentation avec la vraie question, quand on s'intéresse à la sécurité et à la sûreté nucléaire : celle des générateurs de vapeur. Je souhaiterais vous interroger sur plusieurs points.
Premièrement, vous avez évoqué le taux de concentration du carbone dans l'acier. J'ai été un peu perturbé par le fait que vous ayez parlé à la fois des générateurs produits au Japon, et de ceux qui sont fabriqués au Creusot. Or la teneur en carbone n'est pas la même : pour le Japon, c'est de l'ordre de 0,4 % et pour le Creusot, de 0,3 %, la norme étant de 0,22 %. S'agissant de cette dernière, vous avez dit que c'étaient des exigences essentielles de sûreté. Mais en cas d'anomalie, on peut dépasser ce taux, sans que ce soit pour autant dangereux. De même, pour les doses de radioactivité : on fixe à un millisiervert (mSv) par an la dose acceptable de rayonnement. Au-delà de 20 mSv, on doit mettre les populations à l'abri. Mais ce n'est pas parce que l'on est à 2 mSv qu'il y a forcément un danger. Une anomalie doit-elle être considérée comme une brèche dans les exigences essentielles de sûreté ? J'aimerais que vous expliquiez en quoi ce serait problématique.
Deuxièmement, on utilise la spectrométrie d'étincelage pour évaluer la teneur en carbone de ces générateurs de vapeur. Cela permet notamment de savoir s'ils peuvent résister à des chocs thermiques. Pensez-vous que la technologie utilisée actuellement pour garantir la sécurité de ces générateurs ne soit pas adaptée pour les chocs sismiques ?
Troisièmement, le problème se pose pour l'acier du bas de calotte de ces générateurs de vapeur, où est confinée l'eau du circuit primaire. Mais le circuit secondaire et le circuit de refroidissement sont normalement étanches dans une centrale nucléaire. Considérez-vous qu'une anomalie suffisante par rapport à des exigences essentielles de sûreté, qui ferait défaillir le circuit primaire, aurait des conséquences ? Aurait-elle des conséquences sur tous les circuits, sur tout le fonctionnement de la centrale nucléaire ?
Quatrièmement, puisque l'ASN a autorisé le redémarrage du réacteur, il y a télescopage entre ce que vous considérez comme un manquement aux exigences, et ce que l'ANS permet. Faut-il rechercher des responsabilités pénales ? À quel niveau ? Celui des responsables administratifs, politiques ?
Ne pensez-vous pas, à propos de l'affaire du Tricastin, que la transparence peut être un piège ? Plus vous donnez d'informations, plus vous vous inquiétez, et plus vous attirez l'attention sur telle ou telle défaillance. On s'émeut devant tous ces contrôles et lorsque l'on constate des défaillances mais cela montre que le processus démocratique est assez sain. Il n'y a pas forcément de dysfonctionnement. Quel serait-il, selon vous ? Quelles sont les responsabilités ? Quand on dénonce quelque chose, il faut en tirer les conséquences. On ne peut pas vivre dans un système où la sûreté des Français ne serait pas assurée et où on laisserait des responsables agir en toute impunité.