Intervention de Roland Desbordes

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) :

En ce qui concerne le personnel, je n'ai pas de preuves que le contrôle ne fonctionne pas correctement. C'est d'abord l'affaire des salariés. Je sais que les syndicats, et ils ont raison, sont vigilants sur ce point. Mais je ne peux pas porter un jugement sur le fonctionnement concret des dispositifs. Cependant, les sous-traitants ne présentent pas les mêmes garanties que les employés d'EDF eux-mêmes, ce qui pose problème. En ce qui concerne la sortie des matières, de gravats par exemple, on sait que quelques écarts ont été commis. Ainsi, il y a environ trois ou quatre ans, des camions se sont délestés de gravats un peu radioactifs provenant du Bugey dans une décharge banale. Cela a été détecté et, me semble-t-il, corrigé. Je n'ai pas connaissance de situations alarmantes dans ce domaine.

Les transports de matières radioactives sont plus embêtants. Il existe toutes sortes de matières de ce type – déchets médicaux, combustibles usés…, – qui présentent, du point de vue de la sûreté et de la sécurité, des risques très différents suivant la nature des radioéléments présents. Pour notre part, nous avons travaillé sur les normes qui sont censées être appliquées. Il faut en effet savoir qu'à une époque, ces convois dépassaient les normes, en particulier en matière de contamination. Apparemment, les choses se sont arrangées. Je dis : apparemment, car nous ne sommes pas habilités à effectuer ce type de contrôles, au départ et à l'arrivée. Toujours est-il qu'actuellement, il y a peu d'écarts reconnus en matière de contamination, c'est-à-dire la radioactivité présente à l'extérieur du convoi, donc labile et accessible au public puisque ces transports se font, par définition, sur le domaine public.

Ce que nous constatons, c'est que ces transports sont nombreux, notamment dans la vallée du Rhône. Ainsi, il n'est pas rare que, vous arrêtant sur une aire d'autoroute, vous aperceviez, stationnant là, un véhicule sur lequel est apposé le trèfle radioactif. Il se trouve que, sans être obsédés par la radioactivité, nous avons souvent un appareil de mesure sous la main et je peux vous dire que certains de ces convois émettent des radiations considérables. Comment est-ce possible ? Le problème réside dans la réglementation sur les transports. Nous avons interpellé à plusieurs reprises les autorités françaises et européennes à ce sujet, car cette réglementation est particulièrement laxiste. Je m'explique.

Pour que les matières radioactives n'émettent pas trop de radiations à l'extérieur, elles doivent être enfermées dans des conteneurs aux parois très épaisses, de sorte que l'on transporte peu de matières et beaucoup d'emballage. Évidemment, ce n'est pas très rentable, je le reconnais… Mais, de ce fait, la réglementation autorise des débits de dose, au contact et à distance proche de ces convois, considérables puisqu'ils peuvent atteindre 2 millisieverts par heure. Ainsi, si vous vous trouvez tout à côté d'un convoi, vous pouvez, en une demi-heure, recevoir la dose maximale annuelle en irradiation externe ! Évidemment, c'est choquant. Heureusement, les transports des matières les plus radioactives et les plus dangereuses se font souvent par le train. Mais ces trains s'arrêtent dans des gares de voyageurs. L'un d'eux, par exemple, qui transporte des combustibles usés, remonte régulièrement la vallée du Rhône vers La Hague, et il doit s'arrêter en gare de Valence, avant de pénétrer dans un tunnel qui ne comporte que deux ou trois voies. Il peut stationner ainsi pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure à proximité de voyageurs, notamment des enfants, des femmes enceintes, qui, en très peu de temps, peuvent recevoir la dose maximale annuelle. Ce n'est pas normal ! La sécurité est en cause également : comment protéger ces convois ?

En matière de transport, il y a donc beaucoup à faire. Je sais que certains maires se plaignent de ne pas être forcément informés lorsque des camions transportant des matières dangereuses traversent leur commune. Nous nous éloignons peut-être des sujets que vous souhaitiez aborder, mais la sûreté et la sécurité des transports est un véritable problème. Un reportage consacré à cette question a récemment été diffusé à la télévision, mais il portait sur les convois les plus embêtants qui, heureusement, sont rares. Il y en a beaucoup d'autres. Là encore, nous avons eu beaucoup de chance, jusqu'à présent. Il y a eu quelques pépins – je pense à l'incendie, sur le plateau de Langres, d'un camion qui transportait des détecteurs de fumée radioactifs et qui a contaminé son environnement –, mais pas de catastrophe. Or certains convois, qui circulent sans aucune escorte, pourraient être pris pour cibles, car ce sont des bombes sales ambulantes. Pour une personne malveillante, il est beaucoup plus facile de s'en prendre à ces camions qu'à des convois de combustibles usés qui, eux, sont escortés. Est-ce suffisant ? Je ne sais pas.

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