Cigéo est le choix le plus irresponsable qui pouvait être fait. Je m'explique. Ces déchets existent. La priorité est, tout d'abord, de les mettre en sécurité. Le sont-ils aujourd'hui, dans les piscines d'EDF, situées à l'intérieur des installations nucléaires, et celles d'Orano, à La Hague, voire à Marcoule – on parle également d'une grande piscine ? Je ne sais pas laquelle des deux techniques – sous l'eau ou sous air – est la meilleure. J'ignore pourquoi les Américains ont choisi celle d'entreposage sous air, que leur a vendue Areva. En France, on privilégie plutôt l'entreposage sous l'eau. Mais je ne connais pas leurs avantages et leurs inconvénients respectifs.
En revanche, Cigéo est un choix irresponsable. En effet, plus on fait de recherches sur le sujet – et il y en a beaucoup : je pense aux études de l'ANDRA et du CEA, sans parler de toutes les thèses consacrées à ce sujet – plus on soulève de questions. On s'en est bien aperçu lors des deux journées d'études organisées par l'IRSN au mois de décembre dernier, au cours desquels l'Institut a planché sur le dossier de l'ANDRA. Non seulement on n'a pas toutes les réponses, mais on ne sait même pas si l'on s'est posé toutes les questions qu'il faut se poser à propos de Cigéo, sachant que le stockage géologique est, par définition, irréversible. En apprenant que la loi de 2006 évoquait un stockage géologique réversible, j'ai sauté au plafond. Mais qu'ont donc écrit nos députés ? C'est un non-sens, puisque le stockage géologique est constitué de barrières infranchissables, de l'intérieur vers l'extérieur. On dit maintenant que les déchets seraient « récupérables » ; je n'y crois pas davantage. Beaucoup de déchets historiques, situés à Cadarache ou à Marcoule, sont récupérables et, pourtant, on ne les récupère pas car cela pose trop de problèmes.
Dans ces conditions, il n'y a, selon moi, aucune urgence à prendre une décision. Protéger les générations futures, c'est leur laisser faire ce choix. Peut-être décideront-elles d'enfouir les déchets, mais il est prématuré de faire un tel choix aujourd'hui : ce serait prendre beaucoup trop de risques. Dans l'attente d'un choix éclairé sur l'enfouissement, la priorité est de mettre ces déchets en sécurité. Que faut-il faire pour cela ? Manifestement, il existe des lacunes dans ce domaine. C'est en tout cas ce que dit notamment Greenpeace, même si je n'ai pas consulté son rapport. Mais, je le répète, il est irresponsable de prendre une décision aujourd'hui. On va choisir à la place de nos arrière-petits-enfants. On leur laisse un cadeau empoisonné : c'est à eux de dire ce qu'ils veulent en faire.
Il est vrai que l'entreposage en subsurface pourrait être une solution. Je ne suis pas spécialiste de la question, mais des gens étudient cette option depuis très longtemps. Or, on les ignore. Ils sont pourtant du CEA : ils sont de la maison ! Je pense à ce qui se fait à Tournemire, par exemple. Il s'agit d'entreposage et non de stockage. Mais il faut en déterminer la durée car, si vous dites aux gens que l'on va entreposer des déchets chez eux pendant 300 ans, ils vont trouver ça long... Il faut donc définir une feuille de route. Celle-ci, du reste, était prévue dans la loi de 1991 de M. Bataille, loi qui a été complètement laminée par les suivantes.