C'est une question que j'ai moi-même posée il y a quarante ou cinquante ans, au début du nucléaire, et qui se pose de manière évidente aujourd'hui. Quelle est la justification du nucléaire ? De fait, on traite les dossiers séparément : on parle de Cigéo d'un côté, du transport des déchets de l'autre… On saucissonne. Or, c'est de l'ensemble qu'il faut discuter : le nucléaire présente-t-il des avantages tels qu'ils justifient que l'on fasse le choix de cette filière, malgré ses inconvénients ? Cette discussion-là n'a jamais lieu. Les déchets, par exemple, on sait depuis le départ qu'il faudra les traiter, mais on n'avait pas la solution et on a renvoyé le problème à plus tard. J'espère – je suis très optimiste, de nature – que l'on trouvera une solution d'ici à vingt ans. Mais, avec Cigéo, on a mis le turbo pour aller vers l'irréversible. Cela ne me convient pas. On a raté une étape.
M. Bataille était optimiste puisqu'il prévoyait quinze années de recherches, jusqu'en 2006. Évidemment, ce n'est pas suffisant. Force est en effet de constater, vingt-sept ans après, que l'on n'a toujours pas exploré toutes les voies de recherche. Et plus on étudie l'enfouissement, plus surgissent de nouvelles questions. En théorie, l'enfouissement se fait un peu sur le modèle des poupées russes, par l'installation de plusieurs barrières infranchissables. Mais lorsqu'on se demande, par exemple, comment, concrètement, agencer et ranger les colis – en ligne ou en hauteur ? –, cela devient très compliqué, et l'on est loin d'avoir toutes les solutions. Je préférerais que l'on ne commence pas à enfouir des déchets avant d'avoir les réponses à toutes ces questions. Cigéo, c'est trop tôt ! La phase de recherche n'est pas terminée.