Je le savais ! (Sourires.)
Il est urgent de régler la problématique du code du travail français, qui place nombre de chefs d'entreprise dans une complexité et une insécurité juridiques qui font peser un risque parfois mortel sur leur entreprise. Beaucoup de dirigeants de petites et moyennes entreprises sont tétanisés à l'idée d'embaucher du personnel supplémentaire et préfèrent renoncer à se développer plutôt que d'être confrontés à des embêtements, si je puis dire, en cas de rupture avec le salarié. J'ai coutume de dire qu'un contrat de travail, c'est plus qu'un mariage, c'est carrément une adoption, puisque l'on prend le salarié avec l'ensemble de ses problématiques personnelles, de santé, ses capacités professionnelles. Il faut sortir de cette espèce de drame qui se joue dans les entreprises en sécurisant les relations dans le travail. Si les ordonnances permettent d'aboutir à un tel résultat, on verra rapidement les relations dans le travail, le dialogue social évoluer et changer. Une fois la confiance retrouvée, les acteurs pourront se développer.
Bien entendu, je partage les propos de mon prédécesseur en ce qui concerne les objectifs qui nous animent en matière de dialogue social. Nous souhaitons que la négociation sociale soit un droit effectif dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, 95 % d'entre elles étant actuellement dans l'incapacité de la mener. Outre la question de la légitimité du droit, se pose celle de la légitimité des acteurs. Qui est le plus légitime dans l'entreprise pour négocier, par exemple l'organisation du temps de travail ? Comment est-il possible que les chefs d'entreprise et leurs salariés ne parviennent pas à un consensus sur l'organisation du temps de travail alors qu'ils travaillent ensemble, qu'ils ont les mêmes conditions de travail et se voient quotidiennement ? Nous espérons que les ordonnances permettront d'aboutir à l'effectivité du droit.
Il existe deux voies possibles : soit permettre, en l'absence de syndicats et d'institutions représentatives du personnel, l'adoption d'accords approuvés par référendum et soumis à un contrôle de légalité par l'administration afin d'éviter toute dérive, soit ouvrir la possibilité de conclure des accords avec les instances représentatives du personnel. Sinon, ce sont 95 % des entreprises qui passeront à côté des avancées proposées.
Le mandatement syndical ne fonctionne pas. C'est en réalité un mandat de signature, pas un mandat de négociation. Les chefs d'entreprise veulent négocier avec leurs représentants, et non avec des permanents d'organisations qui sont extérieurs à l'entreprise et qui n'en connaissent pas le fonctionnement interne.
La branche professionnelle doit être le garant des conditions de concurrence à l'intérieur de l'activité de la branche des entreprises qui sont affiliées à cette branche. C'est la branche professionnelle qui est la mieux placée pour éviter les distorsions de concurrence. Nous approuvons le fait qu'un certain nombre de thèmes soient verrouillés au niveau de la branche professionnelle, ce qui permet justement de garantir l'absence de distorsion de concurrence.
Enfin, nous sommes inquiets de voir transparaître, à travers ce texte de loi d'habilitation, une volonté d'accélérer le processus de restructuration des branches professionnelles alors que le comité paritaire fonctionne à jet continu pour mieux définir ce qu'est la branche professionnelle. Il ne faudrait pas que cette dynamique soit percutée par une loi qui aboutisse à des raccourcis un peu rapides. On peut comprendre que les PME craignent de se retrouver dans la même branche professionnelle que leur donneur d'ordres, ce qui les placerait dans une situation de pression qu'elles n'ont pas forcément envie de subir. Il est important de laisser le temps aux partenaires sociaux dans les branches professionnelles de procéder à cette restructuration qui est largement en marche puisque plus de la moitié du chemin a été parcourue depuis l'année dernière.
Nous sommes favorables à la disposition de l'article 2 du projet de loi d'habilitation qui prévoit une fusion des instances de représentation du personnel, demande que nous avions formulée depuis longtemps En revanche, nous sommes extrêmement inquiets quant à l'instauration d'un chèque syndical puisque les entreprises versent déjà une cotisation de 0,016 % au titre du dialogue social à l'Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN), ce qui permet de financer le dialogue social de manière mutualisée. Nous demandons donc la suppression du 5° de l'article 2.
L'article 3 propose des perspectives intéressantes puisqu'il prévoit de fixer un plancher et un plafond en ce qui concerne les dommages et intérêts versés au salarié sur sa réclamation, en cas de décision de justice concernant des licenciements abusifs ou dits abusifs, c'est-à-dire sans cause réelle et sérieuse. J'appelle votre attention sur le fait qu'actuellement un certain nombre de licenciements sont traités dans cette catégorie pour de simples problèmes de forme et non de fond. La possibilité de faire prévaloir le fond sur la forme qui est ouverte dans ces ordonnances est très importante et elle peut permettre de sécuriser la relation de travail et sa rupture.
Nous sommes très intéressés par le contrat de chantier. Toutefois, nous regrettons que l'on n'aille pas plus loin vers un « contrat de croissance », c'est-à-dire un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) dans lequel auront été fixés les indicateurs économiques permettant de situer les acteurs les uns par rapport aux autres et de mettre fin au CDI si l'objectif économique n'a pas été atteint.
Nous vous communiquerons un document écrit dans lequel nous avons fait part de nos remarques.