Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre exposé particulièrement clair et convaincant. J'avais trois remarques préliminaires à formuler, avant de poser deux questions : l'une portera sur l'intelligence économique et l'autre sur le fonds d'innovation de rupture.
Je commence par mes trois remarques préliminaires.
Je voulais d'abord vous remercier d'avoir développé une vision globale au sujet de la politique industrielle de la France. Je pense que beaucoup ici sont convaincus, comme moi, que, la décision de l'État en matière de politique industrielle ne peut se limiter à un simple contrôle des investisseurs étrangers en France. On a parfois tendance à vouloir restreindre la question des décisions de l'État en matière de politique industrielle au seul contrôle des investisseurs étrangers en France. Or vous avez très bien rappelé qu'il y avait un certain nombre de chantiers beaucoup plus transverses et plus importants pour la politique industrielle. Vous avez fait allusion à la culture et à l'image de l'industrie, à la formation, à la compétitivité prix et à la compétitivité hors coût, à l'attractivité de la France vis-à-vis d'investisseurs étrangers, aux blocages qui empêchent de faire grandir nos industries, à l'intelligence économique… Tous ces sujets contribuent à la prise de bonnes décisions de l'État en matière de politique industrielle.
Je voulais ensuite vous remercier d'avoir intégré cette réflexion au sein d'une concurrence mondiale, avec un marché qui évolue dans le temps. Nos entreprises, en effet, ne vivent pas dans un igloo, même peint en bleu blanc rouge ! Elles ont des concurrents ; il faut prendre en compte les stratégies mises en oeuvre par certains pays, les puissances qui s'affirment. Il y a des concurrents qui deviennent extrêmement gros, dans un délai extrêmement court. C'est cette évolution du marché que vous avez totalement prise en compte dans la politique que vous défendez.
Comme vous l'avez rappelé, nous rachetons aussi beaucoup d'entreprises à l'étranger. Nous avons tendance à avoir une vision complètement décliniste, à être refermés sur nous-mêmes en pensant que toutes les entreprises françaises se font racheter. Or c'est totalement faux : nous rachetons nous-mêmes énormément. Dans ces cas-là, on en est très fier et on ne s'en plaint pas.
Le troisième remerciement que je voulais vous adresser était relatif à la transparence et aux propositions que vous avez faites par rapport à l'information du Parlement. Le fait que vous puissiez aujourd'hui divulguer des statistiques sur le contrôle des investissements étrangers en France, que vous proposiez de nous fournir un rapport et d'informer les parlementaires de ce contrôle bien existant, témoigne du respect que vous avez pour notre institution. Face aux fantasmes de ceux qui pensent qu'on ne contrôle strictement rien, nous aurons les moyens de prouver que le processus est équilibré, qu'il joue son rôle et qu'il est efficace. Donc merci pour ces propositions.
J'en viens à mes questions.
Au sujet de l'intelligence économique, on a souvent tendance à considérer que l'industrie n'est constituée que de groupes de grande taille, très connus et appartenant au CAC 40. Or nous avons noté, dans le cadre de nos travaux, qu'un certain nombre de PME et d'ETI un peu moins connues développent elles aussi des technologies sensibles, ainsi que des savoir faire stratégiques pour notre pays. On en entend moins parler. Parfois, elles sont moins pilotées, moins surveillées, moins accompagnées. On a souvent tendance, malheureusement, à s'alarmer d'une situation problématique que lorsqu'on arrive au bout de la chaîne : lorsque toutes les options pour sauver l'entreprise ont été examinées, lorsqu'elle se retrouve en grande difficulté, ou chassée par des concurrents étrangers. Comment peut-on améliorer la gouvernance des outils à notre disposition sur l'intelligence économique pour bien suivre ces PME et ETI qui sont tout aussi importantes en termes de savoir faire ? Comment alerter de façon prédictive et proactive l'État, de façon qu'on ne découvre pas le problème quand il se présente de façon parfois un peu médiatique ?
Ma deuxième question porte sur le fonds d'innovation de rupture. Comme vous l'avez rappelé, les cessions d'actifs auxquels vous allez procéder doivent servir à abonder un fonds de 10 milliards d'euros qui sera consacré au financement des innovations, clés de la nouvelle industrie de demain. Comment ce fonds va-t-il fonctionner, notamment en termes de gouvernance, de cibles et de montant des investissements ? Quelle sera la taille des tickets d'investissement ?
Je vous pose la question pour une raison que vous comprendrez en écoutant la petite anecdote suivante. Aux États-Unis, certains acteurs nous ont dit en effet, de façon caricaturale : En France, vous développez un troupeau de poneyscornes et non un troupeau de licornes ! Ils considèrent que nous procédons à du saupoudrage dans certaines entreprises, alors que l'enjeu, c'est de développer des grosses boîtes à l'échelle mondiale, conquérantes sur une taille de marché très importante. Comment utiliser ce fonds pour y parvenir ? Faire grandir nos industries, tout faire pour encourager leur croissance et les placer en position de concurrence sur le marché mondial, tel est l'objectif du projet de loi PACTE. Comment ce texte pourra-t-il nous aider à accompagner ces champions sur un marché de taille de taille mondiale ?