Monsieur le Défenseur des droits, j'aimerais savoir comment vous concevez votre rôle. Si je vous pose cette question, c'est que je m'interroge au sujet du principe essentiel de la séparation des pouvoirs. Si, à l'évidence, les parlementaires que nous sommes ont vocation à bénéficier d'un éclairage de votre part, ils n'ont pas à attendre une appréciation portant sur les textes qu'ils adoptent. De même, si nous avons une opinion à exprimer à l'égard de vos recommandations, nous ne sommes pas fondés à vous sermonner de quelque manière que ce soit. Or, les propos qui viennent d'être tenus à votre égard par notre collègue me semblent aller à l'encontre de ces principes et, dès lors, contrevenir gravement à la séparation des pouvoirs. J'insiste sur ce point : si nous voulons être exigeants vis-à-vis du Défenseur des droits, nous devons faire preuve de la même exigence dans l'exercice de nos fonctions. La séparation des pouvoirs ne doit pas servir seulement à protéger les opinions des uns et des autres, elle est une condition essentielle à l'exercice de la démocratie.
Pouvez-vous nous indiquer – je vous pose cette question dans un esprit tout à fait positif – quelles limites vous vous fixez dans la singularité de votre fonction, respectable et capitale au sein de notre République et de notre démocratie ?
Par ailleurs, au sujet de la notion de recul de l'État territorial que vous avez évoquée, je voudrais appeler votre attention sur un danger. Les MSAP ne sont jamais mises en place par un partenaire commercial, par exemple La Poste : elles le sont toutes par des collectivités territoriales, en partenariat avec l'État. Je me demande avec inquiétude si l'État ne serait pas en train de transférer un certain nombre de ses compétences essentielles vers les collectivités, sans leur attribuer les moyens correspondants et sans porter ce transfert à la connaissance du public. Les retards dans la délivrance des cartes grises et des pièces d'identité montrent bien que les MSAP ne règlent en rien le problème : elles ne sont que des avatars dangereux – c'est le maire d'une commune où est implantée une maison de services au public qui vous le dit –, à la fois l'avatar d'un État qui se décharge sur les collectivités sans vouloir le dire et celui de nouveaux services qui n'ont aucune existence réelle sur le territoire.
Enfin, en octobre 2007, à l'issue d'un voyage officiel d'une dizaine de jours dans notre pays, la rapporteure spéciale de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur les droits des personnes handicapées a rendu un rapport accablant pour la République française en matière de traitement du handicap. Deux points étaient mis en exergue : d'une part, l'institutionnalisation, dans certains hôpitaux psychiatriques, de situations dont la France devait avoir honte ; d'autre part, le fait que des personnes placées sous un régime de tutelle ou de curatelle puissent se voir privées de leurs droits civiques : notre pays présente en effet la particularité honteuse de retirer de façon quasi systématique le droit de vote aux personnes sous tutelle, alors qu'il n'y a aucune raison de le faire. Mme Catalina Devandas-Aguilar concluait dans son rapport que si, demain, le droit de vote devait être réservé aux personnes possédant un certain quotient intellectuel (QI), les personnes sous tutelle ne seraient pas les seules à se voir interdire de participer à la vie civique de notre pays.