Madame Moutchou, je ne suis naturellement pas compétent dans le domaine de l'aide juridictionnelle ni dans celui de l'organisation de la justice. Je fais respecter un certain nombre de principes, sans pour autant disposer de compétences particulières à cet égard. Toutefois, en tant que Défenseur des droits, je suis pleinement accessible sans aucune barrière monétaire, mais je suis extrêmement préoccupé par cette question, et j'espère qu'à travers le travail que vous avez proposé à cette commission de conduire, vous progresserez sur ce sujet très difficile.
J'ai déjà répondu à la question de M. Peu, et souhaite dire à M. Balanant qu'en ce qui concerne les mineurs nous pouvons tout à fait être saisis. J'ai à ma droite une personne, qui, dans ses précédentes fonctions, a été la protagoniste d'un progrès qui n'a guère marqué les foules dans notre pays : la ratification par la France du protocole n° 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui prévoit que les enfants peuvent saisir directement le Comité de l'ONU, etc.
Le problème n'en est pas moins qu'il n'y a pas suffisamment d'éducation au droit, et que l'idée que les enfants sont dépositaires de droits qui leur appartiennent parce qu'ils sont mineurs, donc jusqu'à l'âge de dix-huit ans, et qui ne sont pas ceux de leurs parents, a du mal à passer. Ces droits peuvent être mis en oeuvre ; mais notre enquête sur l'accès aux droits a démontré que cette notion ne correspond pas à la mentalité de la moitié des personnes interrogées.
Un travail demeure donc à faire, et c'est pour cela – et je réponds là à M. Rebeyrotte au sujet des devoirs – que j'ai lancé le programme Éducadroit, consultable sur le site internet du Défenseur des droits. En dix thèmes, ce programme constitue une façon de répondre, et dire ce que le droit et la justice peuvent apporter en termes d'obligations et de facultés.
Depuis dix ans existe aussi le dispositif dit des « jeunes ambassadeurs des droits de l'enfant », avec des équipes dans vingt-cinq départements.
À M. Clément, je dirai qu'au sujet de la médiation numérique je me situe sur la même ligne que lui, singulièrement en ce qui concerne la vidéo-audience. Je l'ai indiqué pour les droits de la défense à Laurence Vichnievsky, lorsque, par exemple, je prends position contre le fait d'installer à Roissy un tribunal détaché du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny. Car c'est exactement ce que vous avez dit, la question est celle du temps réel, du procès équitable voulu par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). C'est un des sujets très importants que vous aurez à traiter lors de l'examen du projet de loi de programmation, et avez bien fait d'améliorer le texte portant sur l'asile et l'immigration au sujet du recours à la vidéo-audience.
M. Saulignac a évoqué le « nommer et dénoncer », envers lequel je suis quelque peu réticent. De façon générale, je considère qu'en matière de droit pénal il ne saurait y avoir ni suspicion ni stigmatisation.
Pas de suspicion signifie qu'il n'y a pas de mise en cause s'il n'y a pas commission d'infraction ; c'est l'un des problèmes que posent les textes comme la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT ». Et pas de stigmatisation non plus, car le droit pénal est là pour punir, pas pour mettre au pilori : c'est le grand progrès que nous avons réalisé depuis trois siècles.
Je suis donc d'accord avec vous : c'est la question que nous devons nous poser.
Monsieur Rebeyrotte, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, nous avons le pouvoir de demander le règlement en équité de certaines réclamations – ce que nous faisons, notamment auprès de services publics.
Et nous allons plus loin, ainsi, en ce qui concerne la rupture d'égalité d'un service public de l'éducation, l'exemple de Saint-Denis que j'ai cité tout à l'heure concerne ce phénomène. Mais, dans le même temps, la notion à laquelle je fais appel est celle d'équité du traitement de ces enfants qui vont au collège à Saint-Denis et de ceux qui vont au collège à Rueil-Malmaison, ou dans une autre commune de la petite couronne.
À M. Pradié je dirai que, quatre ans après avoir pris mes fonctions, je suis convaincu que mon rôle premier est de casser l'indifférence qui est en train de gagner notre société. Et je le fais non pas parce que c'est l'idée que j'en conçois au regard de mes convictions personnelles, mais parce que notre droit, les conventions internationales, notre Constitution et les textes l'exigent.
C'est en ce sens, madame Dubost, qu'il faut opposer droits fondamentaux et principe de réalité. Car les droits fondamentaux ne peuvent pas être relatifs : ils ne prescrivent pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat !
C'est l'un des débats que nous avons aujourd'hui. La juridiction administrative, parce qu'elle tient compte, notamment, des moyens dont disposent les préfectures en matière d'hébergement, admet que certaines d'entre elles prennent des décisions qui, en gros, consistent à sélectionner les gens qu'on héberge. Nous nous inclinons devant l'autorité de la chose jugée, mais cela ne m'empêche pas d'affirmer qu'en termes de droit inconditionnel à l'hébergement c'est une mauvaise approche de considérer que ce droit n'est pas inconditionnel et de l'adapter au nombre de places existant dans le département.
C'est pourquoi je n'oppose pas droits fondamentaux et principe de réalité. Je considère qu'il existe de façon parallèle une mission qui est la vôtre, celle des pouvoirs publics, des présidents de conseils départementaux qui ont affaire, par exemple, à l'afflux des mineurs non accompagnés, et les droits fondamentaux qu'aux termes de la Constitution je suis chargé de défendre. Et il me semble que plus on défendra l'idée qu'universalité et inconditionnalité doivent constituer le but de tous au sein d'une république, plus on ira vers cela. Si au contraire on commence à dire : « je ne peux pas, alors je ne fais pas », petit à petit on grignotera ces droits au profit…