Quels enseignements peut-on tirer de nos premiers travaux ? Nous rencontrons certaines difficultés opérationnelles. Il n'est pas toujours facile d'accéder aux données : il faut du temps pour les produire – vous l'avez vu pour le CICE. On peut espérer un raccourcissement des délais de production de certaines données dans les prochaines années. Par ailleurs, il faut prendre de grandes précautions avec le secret statistique. Enfin, certaines administrations doivent s'accoutumer à l'idée de partager leurs données avec des services extérieurs – même s'ils sont publics…
En outre, une évaluation de type scientifique est longue. D'une part, l'obtention puis le traitement des données peuvent prendre plusieurs années. D'autre part, les résultats des politiques ne sont pas toujours visibles de suite. Je prendrai un exemple : nous avons récemment publié un document sur les pôles de compétitivité. Il souligne que les entreprises impliquées dépensent plus en recherche et développement que les autres, mais nous ne sommes pas encore en mesure d'indiquer si ces dépenses ont un impact sur leur croissance, leur capacité à exporter ou l'emploi. Cette politique mettra probablement plusieurs années à produire ses effets.
En conséquence, ces évaluations se déroulent sur un temps long, ce qui est frustrant pour tout le monde. Un deuxième aspect peut également entraîner de la frustration : ces évaluations sont réalisées avec le souci de la précision et de l'objectivité. Nous prenons toutes les précautions possibles – appels à projets de chercheurs, contre-expertise, implication de l'ensemble des acteurs. En conséquence, quelquefois, le résultat est extrêmement nuancé, au point d'être frustrant pour les parties prenantes qui préféreraient que l'on puisse affirmer plus clairement le succès ou l'échec d'une politique publique. On est assez souvent dans un entre-deux – effets positifs, effets incertains, échecs. Le tableau ainsi décrit n'est pas toujours facile à utiliser pour le décideur public, mais c'est la contrepartie d'une démarche rigoureuse et aussi scientifique que possible.
Quels sont nos points forts ? Même si nous consacrons des moyens limités à ces évaluations ex post, elles sont un vrai succès. En France, il existe de nombreuses évaluations des politiques publiques – corps d'inspection, Cour des comptes, rapports faits à la demande de l'Assemblée nationale ou du Sénat, organismes privés. Mais notre démarche est originale : nous faisons appel à des équipes universitaires d'excellent niveau, dotées d'une réelle expertise académique sur les méthodes d'évaluation les plus sophistiquées et le traitement des données. Les réunions que nous organisons permettent par ailleurs la confrontation régulière de tous acteurs. Même s'ils sont souvent très nuancés, nos résultats sont reconnus comme robustes et objectifs. Ils constituent donc une base de travail sérieuse et légitime pour l'ensemble des parties prenantes. Cela fait partie de la vocation de France Stratégie et nous en sommes très fiers. Nous voulons développer ces évaluations qui constituent un de nos points forts.