Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes.
Lors de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre dernier, le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. Dès le mois de janvier, vous avez annoncé un projet de loi pour renforcer le dispositif de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, autour de quatre objectifs : l'allongement du délai de prescription pour les violences sur les mineurs, la répression des violences sexuelles sur les mineurs, la répression des agissements sexistes – au moyen de la contravention pour outrage sexiste –, et la lutte contre les nouvelles formes de harcèlement, passant notamment par les outils numériques. Je crois pouvoir vous assurer du plein et entier soutien de notre délégation pour améliorer notre arsenal et pour mieux lutter contre cette violence.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, notamment dans le cadre du rapport d'information sur le viol que Sophie Auconie et moi-même avons présenté en février dernier, notre priorité doit être de mieux protéger les victimes et de mieux réprimer les auteurs. « La violence sexuelle est bien devenue la violence de notre temps » : si Georges Vigarello conclut son ouvrage sur l'histoire du viol par cette phrase, c'est qu'il perçoit dans les violences sexuelles une dimension sociétale et politique qui dépasse les seuls chiffres. Ces violences deviennent de plus en plus insupportables à la société moderne, dont les rapports individuels et collectifs se transforment. Dès lors, il devient crucial de s'interroger sur la manière de définir et de juger des crimes dont l'indicible et l'insupportable retiennent l'attention de chacun aujourd'hui.
Cet impératif qui s'est construit au fil des années, en parallèle de l'autonomisation et de l'émancipation de la femme, laisse entrevoir comment prévention et répression des violences sexuelles sont un préalable à l'égalité entre les femmes et les hommes. L'égalité rend intolérables des violences qui représentent un modèle de domination passé et une négation de l'autonomie du sujet.
C'est pourquoi une société moderne doit prévenir ces violences et mieux les sanctionner. Cela dit, la problématique actuelle ne doit pas se restreindre au seul renforcement de l'arsenal juridique : il s'agit aussi de faire en sorte que les violences sexuelles soient mieux poursuivies dans les faits. Je rappelle que seulement 10 % des victimes portent plainte, que 3 % des plaintes font l'objet d'un jugement et que seulement 1 % des viols aboutit à une condamnation. Cette situation inacceptable pose la question du type de société que nous voulons. C'est à nous qu'il revient d'y répondre collectivement, à nous, représentants de la puissance publique qui avons été invités par la société à penser autrement les interactions qui nous lient, afin de faire advenir une société d'égalité entre les femmes et les hommes, dont la banalisation des violences faites aux femmes est encore le premier obstacle. La loi doit pouvoir refléter les mues de notre communauté et protéger les droits de l'individu jusque dans son intimité. C'est d'autant plus évident quand on sait que 91 % des victimes connaissent leur agresseur : dans ces conditions, il faut pouvoir encourager la libération de la parole et lui trouver un exutoire judiciaire.
Avant de vous laisser la parole, madame la secrétaire d'État, je souhaite vous lire un extrait d'un ouvrage que je recommande à chacune et à chacun : publié récemment, il s'agit de La Petite Fille sur la banquise, d'Adélaïde Bon.
« Je suis Méduse, petite fille de la terre et de l'océan. Violée par Poséidon dans le secret d'un temple, je suis l'innocence profanée, jugée coupable et condamnée à voir mes longs cheveux transformés en serpents. Je suis celle dont on raconte que le regard pétrifie qui me croise. Je suis la femme sauvage contrainte à se cacher dans une grotte humide. Je suis celle à qui l'on coupe la tête quand elle dort, celle dont la dépouille mutilée terrifie les armées. Je suis ce qu'il reste d'une femme après qu'on l'a violée. »