Pour ce qui est de l'allongement des délais de prescription, le texte poursuit un double objectif : d'efficacité, d'une part, et de pédagogie symbolique, de l'autre. L'idée est de permettre à toutes les victimes de viol d'aller déposer plainte même si toutes ne le feront pas. J'ai pu observer, au cours des travaux que j'ai menés – comme vous avez pu le noter également au cours des vôtres –, que certains ont évoqué l'engorgement des tribunaux. Le seul domaine pour lequel on déplore le surcroît de dépôts de plaintes est celui des violences sexistes et sexuelles ! Quand quelqu'un se fait voler son téléphone, on ne lui dira jamais que s'il va porter plainte il engorgera les tribunaux…
Ensuite, les délais de prescription ont déjà été allongés au cours de la précédente législature. Notre action s'inscrit par conséquent dans la même logique et nous constatons que l'allongement des délais n'entraîne pas un surcroît de dépôt de plaintes. Reste qu'il est important, j'insiste, de permettre aux victimes de déposer plainte car, souvent, ceux qui violent des enfants ne se contentent pas d'en violer un mais en violent plusieurs. Or, même quand la victime n'est pas en mesure de rassembler les preuves du viol qu'elle a subi, le dispositif prévu permet de créer un faisceau d'indices concordants, de recueillir des témoignages concordants au point d'éventuellement aboutir aux aveux de l'agresseur, donc de le mettre hors d'état de nuire même des années après les faits. On sait en effet, d'après les chiffres, d'après les associations et la justice que, très souvent, les prédateurs sexuels récidivent et font donc de nombreuses victimes.
Il s'agit, en somme, de créer un effet d'entraînement, de systématiser la plainte pour viol au point qu'elle ne soit plus l'exception mais devienne bien la règle.
J'en viens à la question des seuils d'âge. Trois possibilités s'offraient à nous : placer le seuil à treize, quinze ou dix-huit ans. Nous avons choisi l'âge de quinze ans parce que le rapport de la mission pluridisciplinaire commandé par le Premier ministre le recommandait. La plupart des experts de cette mission, pédiatres, magistrats, représentants d'associations…, considèrent que l'âge de quinze ans est celui de la maturité affective et il correspond du reste à l'âge de la majorité sexuelle. En outre, quand on interroge nos concitoyens, ils préconisent en moyenne 16,8 ans. On doit néanmoins, ici, tenir compte d'un biais : les personnes interrogées répondent en fonction de leurs propres enfants et sont conduites à indiquer l'âge le plus avancé possible. Aussi l'âge de quinze nous a-t-il paru un bon compromis et la formule retenue par la chancellerie et mon ministère nous a-t-elle semblé efficace. Le Gouvernement n'en examinera pas moins avec la plus grande attention les amendements qui, en la matière, viseront à améliorer le texte.
Pour ce qui est du cyber-harcèlement, vous avez raison, monsieur le co-rapporteur : nous souhaitons que toutes les actions menées en meute, sous forme de raid, puissent être condamnées. Le magistrat doit néanmoins jouir d'une certaine liberté d'interprétation en ce qui concerne la manière dont s'effectue la concertation. Nous avons donc volontairement retenu la définition la plus large possible afin de ne pas enfermer le magistrat dans un cadre trop rigide.
Enfin, deux initiatives sont en cours au sujet des plateformes. L'une est à l'initiative de l'État – en particulier sous l'égide du ministère de l'Intérieur : il s'agit d'une plateforme de dialogue devant permettre aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles de parler en ligne avec des policiers formés. D'autres, dont nous sommes partenaires, sont privées ; je pense également à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) qui a noué un partenariat avec les créateurs de l'application « HandsAway », que nous avons auditionnés, laquelle permet de signaler des harcèlements de rue ou des « outrages sexistes », comme il faudra désormais les appeler.