Intervention de Valérie Boyer

Réunion du mardi 17 avril 2018 à 10h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Voilà plusieurs mois, madame la ministre, que vous vous exprimez sur les violences faites aux femmes. Je vous présente à l'avance mes excuses pour mon absence pour l'examen du texte en séance, au mois de mai – j'ai en effet un engagement auprès de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Je ferai néanmoins plusieurs remarques à propos du projet de loi.

Certes, les violences faites aux femmes sont un combat de société mais c'est aussi un combat universel.

Vous mettez en avant la lutte contre le harcèlement de rue mais je souhaite m'exprimer sur le viol. Légalement un crime et devant être jugé par les cours d'assises, il fait de plus en plus l'objet d'une correctionnalisation judiciaire : le parquet ou le juge d'instruction poursuit cette infraction sous une qualification délictuelle afin de porter l'affaire devant un tribunal correctionnel plutôt que devant une cour d'assises, et cela concerne 80 % des cas de viol pour lesquels une plainte a été déposée. Ce chiffre est très inquiétant. Le désengorgement des tribunaux, notamment des cours d'assises, ne doit pas se faire au détriment des victimes. Or le viol, je le répète, est un crime et qui doit être jugé comme tel. Aussi quelles mesures proposez-vous pour que ce soit bien le cas dans la réalité ?

Pourquoi, par ailleurs, avez-vous abandonné l'idée d'une présomption irréfragable de non-consentement pour les viols sur les mineurs de moins de quinze ans ? Je me permets d'insister sur le fait que la proposition de loi que j'avais déposée visant à protéger les victimes de viol, mentionnait les trois cas que nous devons, il me semble, examiner : les relations sexuelles entre un mineur de moins de quinze ans et un majeur, les relations sexuelles entre un mineur âgé de quinze à dix-huit ans et un majeur ayant sur lui une autorité de droit ou de fait – c'est à dire, une personne appartenant au cercle familial ou un familier –, et les relations sexuelles entre mineurs. Nous devons, j'insiste, examiner ces questions en détail.

J'aurais aimé par ailleurs que figurent dans ce texte des propositions concernant les mutilations génitales féminines, sujet hélas abordé en passant par le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, et qui n'y a du reste pas du tout sa place, pour des raisons que nous aurons l'occasion de développer dès ce soir dans l'hémicycle. Je rappelle deux chiffres : 60 000 femmes excisées vivent sur le territoire national et 500 000 au sein de l'Union européenne. Ce problème dépasse l'opposition droite-gauche ; il n'y a pas de clivage politique, ici, qui tienne : quand des jeunes filles sont mutilées, nous devons le dénoncer pour l'empêcher ; elles ont des parents qui eux aussi doivent être partie prenante du dispositif. C'est pourquoi je me permets d'appeler votre attention sur mes propres travaux – auxquels plusieurs de nos collègues se sont associés – réalisés entre 2007 et 2012, en 2012 et en 2017, sans oublier un nouveau texte que je présenterai dans les jours qui viennent. Il est nécessaire que les pouvoirs publics s'expriment haut et fort et manifestent leur volonté de mettre concrètement un terme à ces pratiques odieuses car dénoncer c'est bien, mais c'est agir qui doit être la priorité.

Nous devons en outre nous poser la question de la place des femmes dans l'armée mais aussi dans l'espace politique, dans l'entreprise et dans certaines cités. Dans certains quartiers, les femmes ne peuvent plus porter de jupe – je fais allusion à ce magnifique film interprété notamment par Isabelle Adjani, qui résumait bien une partie du quotidien de ces quartiers. Le projet de loi mettra-t-il un terme à cette situation ? J'en doute.

Je reviens sur un événement : en juillet 2016, dans un centre aéré de Reims, la direction a envoyé un courrier aux parents pour leur déconseiller d'habiller leurs filles avec des jupes afin qu'elles évitent d'être confrontées « aux comportements déplacés de certains garçons ». Nous avons également appris qu'il existait des cafés, à deux heures de Paris, où les femmes ne sont pas les bienvenues. On sait aussi qu'il y a des quartiers où elles ne s'habillent pas comme elles le souhaitent, ne travaillent pas quand elles le veulent, ne scolarisent pas leurs enfants dans les écoles de la République parce que c'est mal perçu par leur entourage. Qui aurait pu penser, il y a vingt ans, que nous devrions à nouveau nous battre pour le port de la jupe et, plus largement, pour nos droits et ceux de nos enfants ? Je ne peux accepter que, dans notre pays, nous fassions naître un sentiment de culpabilité chez celles qui portent une jupe ou qui, simplement, veulent vivre leur vie.

Disons franchement les choses : il existe une vision radicale de l'islam hostile à l'émancipation de la femme, vision peut-être minoritaire mais qui gagne du terrain, notamment chez les jeunes. Après la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires et celle de 2010 sur le voile intégral, nous devons reprendre ce combat en redoublant d'énergie contre les dérives d'un communautarisme qui retire sournoisement aux femmes leurs droits les plus fondamentaux. Cette pression n'a rien à voir avec la spiritualité,

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