On ne peut qu'être d'accord avec vous, madame Boyer, concernant le port de la jupe et, plus généralement, le droit des femmes de se vêtir comme elles l'entendent. Si le projet de loi ne prévoit rien en la matière, c'est qu'il n'a pas vocation à tout traiter mais à mieux condamner en justice les violences sexistes et sexuelles – lesquelles ne figurent pas dans la loi en vigueur. En revanche, avec Mme Muriel Domenach, secrétaire générale du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation, nous travaillons à un plan très concret relatif aux femmes. Nous travaillons également, sous la houlette du ministère de l'Intérieur, sur ce que nous avons appelé les quartiers de reconquête républicaine où 10 000 policiers de la sécurité du quotidien verbaliseront, notamment, le harcèlement de rue.
De la même manière, si l'excision n'a pas sa place dans ce texte, cela ne signifie pas que les politiques publiques doivent l'ignorer. Je partage du reste tout à fait votre indignation : 53 000 femmes excisées vivent en France. Le plan contre l'excision est le premier que j'ai lancé en prenant mes fonctions, avec une communication directe de grande ampleur à l'attention des jeunes filles susceptibles d'être excisées lors de « vacances » passées dans leur pays d'origine. Il est très important de rappeler que les lois de la République interdisent l'excision sur le territoire national mais aussi l'excision de petites filles françaises à l'étranger. L'été approche et comme il s'agit de la période la plus à risque pour les excisions, nous entendons amplifier ce plan. Si vous avez des propositions à faire, je les examinerai avec grand plaisir. Ensuite, la lutte contre les mutilations génitales doit être menée au plan international. C'est pourquoi nous avons commencé à y travailler avec le Royaume-Uni, mais aussi avec les pays du G7, présidé par le Canada : Justin Trudeau est à Paris ces jours-ci et nous avons, avec le président Macron, abordé directement la question avec lui. La France, qui présidera à son tour le G7, l'année prochaine, doit porter une voix forte et c'est dans cette perspective que je suis intervenue il y a quelques semaines auprès la Commission de la condition de la femme (CSW), aux Nations Unies, car il s'agit de montrer, au sein de tous les organismes internationaux, comme l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), que la France ne lâche rien.
Ensuite, vous évoquiez le parallèle entre le harcèlement de rue et le viol. Je partage ce qui a été dit sur la correctionnalisation du viol : nous travaillons, avec Nicole Belloubet, pour faire valoir le fait que les viols sont des crimes et doivent être jugés comme tels. La logique « pragmatique » des tribunaux consistant à les correctionnaliser ne peut être entendue. Ma conviction, celle des experts, est qu'il existe un véritable continuum des violences, depuis le harcèlement de rue jusqu'au viol : ces comportements ne sont pas décorrélés, la plupart des violeurs avaient en effet déjà agressé sexuellement ou déjà harcelé. Tous les policiers que nous avons auditionnés nous expliquent que les violences sexuelles suivent une forme de gradation exponentielle. C'est ce que déclarent également les victimes lorsque les violeurs ont été condamnés. Quand j'évoque un continuum, je n'avance pas que quelqu'un qui harcèle dans la rue va devenir systématiquement un violeur mais je soutiens qu'il faut bloquer le processus immédiatement et pour cela ne rien laisser passer, même la plus « petite » des agressions ou des atteintes sexuelles à l'encontre des femmes. C'est donc une manière de marquer une barrière.
Nous ne disposons pas de statistiques précises par tranches d'âge, madame Bello. Je note en tout cas votre demande et nous allons tâcher de savoir comment il sera possible, sur la base des condamnations, de vous apporter des réponses.
Pour ce qui est des salles « Mélanie », nous suivons ce dispositif de très près. On en compte 275 en France et nous nous efforçons de mieux les faire connaître.
Enfin, concernant l'allongement des délais de prescription, madame Couillard, je vous confirme que nous avons l'intention de partir de l'âge de la majorité, donc de faire en sorte que toutes les femmes, jusqu'à l'âge de quarante-huit ans, puissent aller déposer plainte, y compris celles qui, aujourd'hui, ont entre trente-huit et quarante-huit ans et, pour l'heure, ne le peuvent pas.