Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mardi 17 avril 2018 à 10h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes :

Je commencerai par l'accompagnement de plaintes. Afin qu'elles puissent déposer plainte dans de bonnes conditions, ce qui demande une préparation, une plateforme sera créée, qui permettra aux femmes de dialoguer avec des policiers et des policières.

Un certain nombre d'associations que l'État accompagne permettent ainsi aux femmes de préparer leur plainte. Si elles vivent sous le même toit que celui contre qui elles veulent déposer plainte, il faut préparer des dossiers, parfois demander des passeports et éventuellement régler les affaires des enfants. Il est important qu'une association permette aux femmes d'être accompagnées. C'est pourquoi l'État soutient ces associations et créera cette plateforme.

En ce qui concerne l'hébergement, 2 000 places seront réservées aux femmes victimes de violences conjugales et à leurs enfants, cela a été rappelé lors du comité interministériel sur l'égalité hommes-femmes du 8 mars 2018. Nous créerons surtout une plateforme de localisation des hébergements d'urgence. C'est une demande qui est remontée lors du tour de France des inégalités femmes-hommes, tant autour du bassin d'Arcachon qu'à d'autres endroits.

Je l'avais moi-même observé en tant qu'élue locale : des places d'hébergement existent souvent, mais elles ne sont pas connues des professionnels. Cette plateforme repose donc sur l'idée que, département par département, autour des préfets, chacun – services de la préfecture ou de l'État, associations, travailleurs sociaux, urgentistes, services de la police et de la justice – aura accès, en temps réel, à une géolocalisation des places.

La construction de cette plateforme est en cours et nous veillons à ce qu'elle soit sécurisée car l'endroit où les femmes sont hébergées doit être maintenu secret pour qu'elles restent éloignées de leur conjoint violent.

Par ailleurs, le dispositif téléphone grave danger (TGD) sera reconduit cette année et pris en charge par le ministère de la Justice. La garde des Sceaux a en effet décidé d'investir 900 000 euros dans ce dispositif, pour faire en sorte que le TGD soit généralisé. Nous travaillons à l'assouplissement de son financement, certaines des conventions actuelles nous paraissant un peu rigides car elles ne permettent pas de dépasser un certain montant de frais téléphoniques par département. Nous voulons au contraire répondre aux besoins réels des départements, notamment le Nord et les Bouches-du-Rhône, qui doivent faire face à une demande bien supérieure à la dotation actuelle.

In fine, il doit y avoir autant de services d'accueil téléphonique et autant de places d'hébergement pour les femmes que nécessaire. L'hébergement est vraiment une question de vie ou de mort. Si une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, cela est dû aussi au fait qu'elle n'a pas été extraite du domicile conjugal avant le coup final, malgré des faisceaux d'indices concordants.

J'en viens au cyber-harcèlement, monsieur Cabaré. Nous menons un travail avec les géants de l'internet, tout particulièrement avec les réseaux sociaux. Je n'ai pas hésité à convoquer les responsables du forum 18-25 ans du groupe Webedia quand il a été mis en cause dans des faits de raids numériques et de cyber-harcèlement en meute.

Le Gouvernement agit en coopération avec ses homologues partout dans le monde, notamment dans les pays qui hébergent ces réseaux sociaux, pour faire en sorte que des sanctions soient prises. Celles-ci peuvent être d'ordre judiciaire ; tout se passe alors devant un tribunal saisi d'une plainte. D'autres sanctions ne passent pas par la justice : suppression du compte, modération des contenus… C'est à ce niveau que nous connaissons les plus importants problèmes. Actuellement, les plaintes pour cyber-harcèlement sont largement enregistrées en France par les policiers, mais elles restent sans suite faute de textes protecteurs. Les contenus restent aussi bien trop longtemps en ligne.

Voilà le travail auquel nous nous attelons, mon collègue Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État au numérique, et moi-même : assurer de réelles condamnations et faire disparaître les contenus litigieux.

Vous avez raison, madame Panonacle : il faut accompagner les femmes désireuses de porter plainte. Un certain nombre de plans ont été adoptés en ce sens, notamment le plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur et la recherche, lancé avec ma collègue Frédérique Vidal. Il ouvre la voie à un double circuit de sanctions : d'un côté, la judiciarisation ; de l'autre côté, des sanctions disciplinaires extrêmement fermes et importantes.

Le plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique ouvre également un circuit d'alerte directe des services de ressources humaines permettant de contourner la hiérarchie pour arriver in fine à de véritables sanctions. Contrairement à ce qui est dit et répété depuis plusieurs mois, les moyens mis à disposition par l'État sont en augmentation.

Notre budget propre de subventions est en augmentation légère, tandis que le budget interministériel progresse fortement, pour atteindre 420 millions. Il est d'autant plus important de prendre en compte ce budget interministériel que beaucoup ne relèvent pas directement du programme 137, mais de celui la Justice, pour les TGD, de celui de l'Intérieur, pour la plateforme dont je parlais, ou encore de l'Éducation nationale.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres s'agissant des moyens humains : la police compte 183 brigades de protection de la famille et 228 référents locaux, ce qui représente 1281 policiers. C'est énorme. Il y a aussi 132 correspondants départementaux et 414 correspondants locaux sur ces sujets. En 2019, on passera de 263 à 358 intervenants sociaux présents dans les services de police et de gendarmerie. De cette manière, davantage de professionnels seront mobilisés.

De même, le nombre des psychologues sera porté en 2020 de 73 à 86. Les démarches de dépôt de plainte relèvent en effet non seulement de l'aspect légal, mais aussi de l'accompagnement psychologique. En enregistrant la plainte, le policier pose la première pierre de la judiciarisation. Mais une victime de viol ou d'abus sexuel a besoin d'écoute, d'accompagnement et d'empathie. Nous jugeons donc important que des travailleurs sociaux et des psychologues puissent accompagner des victimes au-delà de la judiciarisation.

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