Je sais, madame Romeiro Dias, que la question de l'imprescriptibilité des crimes commis sur les mineurs vous tient à coeur. Néanmoins, le Gouvernement n'a effectivement pas retenu cette piste, pour plusieurs raisons.
D'abord, le débat sur la question de savoir s'il fallait aller vers l'imprescriptibilité ou au contraire ne pas toucher au délai de prescription s'est déjà tenu lors des travaux de la mission de consensus conduite sous la précédente législature. Certes, je ne suis pas partisane de la préservation de l'existant pour le principe, mais, quand un travail de fond a été effectué auparavant, il me semble qu'il faut en tenir compte et non le balayer.
Je reprends donc bien volontiers les conclusions de la mission coprésidée par Jacques Calmettes et Flavie Flament, qui sont arrivés à un consensus sur l'allongement à trente ans de la durée de la prescription. Ce compromis paraît valable à toutes et à tous et notre ligne est donc de le suivre. C'est un pas important vers l'allongement du délai de prescription.
En ce qui concerne l'imprescriptibilité, le risque de censure constitutionnelle est élevé, puisque le Conseil constitutionnel n'admet l'imprescriptibilité que pour les crimes touchant l'ensemble de la communauté internationale, c'est-à-dire les crimes contre l'Humanité. Cela ne signifie certes pas qu'un viol sur mineur n'est pas grave. Je crois au contraire que c'est l'un des pires crimes qui puissent exister, puisqu'il détruit la psyché d'une personne en construction, sa confiance en soi et dans les autres, qu'il s'agisse d'adultes de sexe opposé ou de même sexe. En effet, les viols sur mineurs ne suivent pas de schéma traditionnel, tous sont aussi odieux et ont des conséquences gravissimes.
C'est pourquoi nous devons y apporter une solution judiciaire qui corresponde à une réalité mais aussi qui soit traduite en droit et directement applicable, donc qui n'encoure pas la censure du Conseil constitutionnel. L'imprescriptibilité ayant été aussi rejetée pour les crimes de guerre, le Gouvernement, parce qu'il entend protéger les enfants et les victimes mineures de la manière la plus effective possible, ne veut pas prendre le risque d'inconstitutionnalité et il n'a donc pas opté pour l'imprescriptibilité.
S'agissant des violences commises au lycée de Saint-Cyr, je connais votre engagement, madame Hai. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'échanger avec vous à ce sujet, ainsi qu'avec monsieur Gouffier-Cha. Nous devons faire en sorte que les individus, notamment les femmes, soient respectés dans les lycées militaires et plus généralement au sein des armées. C'est une question très importante à laquelle je travaille avec mes collègues Florence Parly et Geneviève Darrieussecq. Plusieurs ateliers du Tour de France de l'égalité femmes-hommes ont été animés dans des lycées militaires et avec des jeunes engagés en service militaire volontaire. Ce qui s'est passé est tout à fait contraire aux valeurs des armées ; c'est le fait d'une minorité mais ce n'est pas excusable pour autant. La ministre a réagi d'une manière très ferme en demandant des sanctions disciplinaires très fortes : on doit faire preuve d'une tolérance zéro et veiller à ce que les jeunes filles puissent s'épanouir dans ce lycée et dans le cadre de toutes les formations militaires. La place des femmes est très importante et l'action engagée par le ministère des armées est vraiment primordiale. Je pense notamment à la cellule Thémis, qui a été créée par Jean-Yves Le Drian lorsqu'il était ministre de la Défense, mais aussi à d'autres actions très concrètes, comme la campagne de pédagogie, assez exemplaire au niveau mondial, qui est lancée dans les armées françaises contre la transphobie, à l'initiative de Florence Parly. J'ajoute que l'homophobie prend ses racines dans les mêmes phénomènes que le sexisme et les violences contre les femmes.
J'entends les interrogations sur l'expression « harcèlement de rue », madame Gayte. J'étais plutôt encline à ce qu'on l'inscrive dans la loi, mais les auditions qui ont été menées, notamment par les parlementaires, ont fait apparaître qu'une telle expression peut prêter à polémique – même s'il y a quelque ironie à ce que des associations l'utilisant dans leur propre titre soient finalement opposées à son usage dans la loi. Parce que je cherche avant tout l'efficacité, donc le consensus, et que je n'ai pas d'idéologie particulière dans ce domaine, nous avons choisi, avec Gérard Collomb et Nicole Belloubet, de retenir la proposition du groupe de travail de votre assemblée, à savoir l'outrage sexiste, de manière à ne pas désigner la rue en particulier, mais plutôt un phénomène en général. Si j'ai parlé de « harcèlement de rue » tout à l'heure, c'est donc par abus de langage et afin d'être intelligible par toutes et tous : ce n'est pas ce qui figurera dans la loi car nous avons retenu les propositions de ce groupe de travail qui est vraiment allé au fond des choses.
En ce qui concerne l'éducation, je suis tout à fait en phase avec ce que vous avez dit. Nous devons faire en sorte qu'il y ait une éducation plus efficace contre les violences sexistes et sexuelles. C'est dans cet esprit que nous instaurons, avec le ministère de l'éducation nationale, les trois séances d'éducation à la vie affective et sexuelle : une circulaire adressée aux recteurs comporte notamment une liste des associations ayant un agrément pour les interventions en milieu scolaire (IMS). Ces trois séances, qui sont déjà prévues par la loi, doivent avoir lieu dans des conditions encadrées, avec des intervenants validés par le ministère de l'Éducation nationale. Jean-Michel Blanquer gère ce dossier d'une manière extrêmement rigoureuse. Il faut notamment veiller à ce que les parents soient parties prenantes.