Intervention de Thierry Dallard

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 11h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Thierry Dallard :

La liste des courses est importante ! Le sac à dos est bien chargé…

La confiance ne se décrète pas, elle se gagne au fil du temps. À ce stade, la seule chose sur laquelle je peux m'exprimer, c'est la méthode. Je suis convaincu, mais cette conviction ne date pas de ma candidature au poste de président du directoire de la SGP puisque cela fait vingt-cinq ans que je pilote des projets de différente nature à travers le territoire, qu'un projet ne peut arriver à terme sans portage collectif, c'est-à-dire des relations étroites entre la maîtrise d'ouvrage et la population, entre la maîtrise d'ouvrage et les entreprises, entre la maîtrise d'ouvrage et les élus, et entre la maîtrise d'ouvrage et les acteurs économiques. Ce consensus est essentiel et il est difficile d'y parvenir si, effectivement, on a le sentiment qu'on « cache la copie ».

Ce qui s'est passé ces derniers mois, c'est un peu ce qu'on observe en matière de tectonique des plaques : on a l'impression que rien ne bouge, que personne ne remet en cause quoi que ce soit, que tout va bien, puis tout à coup survient un tremblement de terre parce que beaucoup de choses se sont accumulées sous nos pieds. Ce n'est certainement pas la bonne méthode. Pour autant, je n'ai pas de baguette magique ni la martingale permettant de vous garantir que les coûts et les délais seront tenus. Chaque projet est unique : il ne s'agit pas de fabriquer une pièce qui pourra être reproduite à des millions d'exemplaires. Aujourd'hui, tout l'enjeu, et c'est un élément sur lequel je m'engage à avancer, consiste à mettre en place les organisations et les moyens adéquats pour être capable de gérer les risques. Gérer les risques, cela signifie les identifier, les anticiper et prendre des décisions rapidement quand elles s'imposent. C'est comme cela que l'on peut respecter les objectifs.

Il nous appartient d'essayer de rendre exportable cette méthode interne, qui semble essentielle à tout maître d'ouvrage, surtout quand le projet est d'une grande complexité. Je vais demander aux techniciens d'essayer de la professionnaliser, de l'intensifier, de la rendre communicable, de faire en sorte d'éviter de brusques tremblements de terre qui prennent à contre-pied les élus, les porteurs de projet et les investisseurs multiples, d'identifier le risque et de faire en sorte qu'il soit derrière nous. C'est comme cela que j'espère regagner la confiance. Ce n'est certainement pas la seule solution, mais en tout cas c'est celle que j'envisage.

Avec autant d'acteurs, il est impensable de tenir des discours différents suivant les cercles dans lesquels on se trouve, car c'est la meilleure façon que rien ne se fasse. Plus c'est complexe, plus il faut être simple. En matière de complexité, je crois qu'on est suffisamment « servis » pour ne pas aller chercher autre chose en matière de dialogue et d'échanges avec chacun des acteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure.

Je ne reviens pas sur la question des ressources puisque c'est une des missions qui a été confiée à M. Gilles Carrez. Vous demandez s'il faut ou non faire appel à des financements privés. Le financement privé ne répond pas à la question qui est aujourd'hui posée, car il faut le rembourser. Pour l'heure, il s'agit plutôt de savoir quelles ressources publiques trouver pour faire face à la dette. Les premiers contacts que j'ai eus avec mes futurs collaborateurs ne me permettent pas de dire qu'il y aurait aujourd'hui une crainte d'investir de la part des prêteurs. Le financement privé ne m'a pas semblé être une donnée préoccupante. Le vrai sujet, c'est de trouver des recettes pour faire face aux emprunts.

En matière de recherche d'économies, le Premier ministre a indiqué dans son discours, le 22 février dernier, qu'il fallait mettre un peu d'optimisation et de contraintes dans le système. Je ne crois pas qu'il s'agisse de « dépecer » le projet en trouvant 10 % d'économies. Vous avez cité un élément important : l'intégrité du projet. Je considère que c'est une des missions qui est confiée au président du directoire. Quant à savoir sur quels postes on pourra aboutir à une optimisation, je n'ai pas encore une connaissance suffisamment fine du projet pour vous le dire. Je sais seulement que des pistes d'économies sont envisagées en matière de recyclage des déblais. C'est une piste très concrète d'optimisation technique.

C'est l'autorité organisatrice des transports qui est destinataire du projet et qui prendra en charge le coût d'exploitation. Quant à la maintenance, elle est confiée par la loi à la RATP.

Je voudrais prendre un exemple très concret qui me permettra de faire le lien avec la question des ressources humaines. Il est beaucoup plus compliqué de construire un tunnel en Île-de-France que sous la Manche. Sous la Manche, c'était de la craie, c'était homogène, on savait où on allait. En Île-de-France, c'est un peu plus compliqué. Il faut donc faire des prévisions en matière de risques, estimer qu'il y a tant de pourcentages de risques d'avoir de l'eau et donc de devoir congeler les sols. Mais peut-être aurons-nous de bonnes surprises, c'est-à-dire que finalement il n'y a pas d'eau, ou au contraire des mauvaises, à savoir que l'eau est présente sur trois fois plus de linéaire que prévu. Ce qu'il faut, c'est être très réactif. Il ne faut pas que la maîtrise d'ouvrage soit incapable de donner des instructions aux entreprises pendant un, deux ou trois mois parce que, outre la facture qu'il faudra de toute façon payer à la fin, viendront se rajouter les surcoûts d'immobilisation des entreprises qui n'auront pas pu avancer. C'est pourquoi, il faut que la capacité de maîtrise d'ouvrage et donc de pilotage de la Société du Grand Paris soit à la hauteur pour faire face aux urgences. Cela pose la question du nombre de personnes nécessaire – je ne reviens pas sur le bilan qui a été établi. Le Premier ministre m'a indiqué clairement que le plafond d'emplois disparaîtrait. Mais ce n'est pas seulement une question de nombre, c'est aussi une question de compétences qu'il faudra aller chercher là où elles existent dans un contexte particulier, puisque les entreprises sont elles-mêmes sous tension. Mais il va bien falloir qu'on arrive à les trouver…

Je ne sais pas si le diagnostic sera parfaitement établi d'ici à cet été, car le sujet est suffisamment stratégique pour ne pas précipiter les choses. En tout cas, c'est un des points clé, car sans moyens humains compétents et sans équipes professionnalisées, la maîtrise des risques restera un voeu pieux. Or je crois que tout le monde a compris que c'est grâce à cela que l'on parviendra à réaliser des économies et à maîtriser les coûts dans les mois et les années à venir.

Je suis d'accord avec vous, il ne s'agit pas d'un projet exclusivement francilien. C'est ce que j'ai souligné dans mon propos liminaire en faisant référence à quelques grands projets, dont celui de Singapour. Réussir ce projet, c'est continuer à faire de la métropole parisienne une métropole qui est dans la course mondiale, car cette course ne s'arrête jamais : on est en permanence en compétition. Il est clair que c'est un enjeu pour la France et pour l'ensemble du territoire, d'avoir l'une des dix grandes métropoles mondiales. Il suffit de regarder le PIB de l'Île-de-France et le PIB moyen de la France pour se rendre compte que la réussite de l'Île-de-France, c'est la réussite du territoire.

La Société du Grand Paris devra trouver des ressources humaines, tout comme les entreprises, ce qui représente un formidable défi pour nos filières de formation, et pas seulement pour celles qui sont dans le bassin parisien, pour produire les ouvriers spécialisés, les techniciens, les ingénieurs et les juristes capables de soutenir cette opération. Je le répète, ce projet n'a pas vocation à être unique à l'échelle mondiale et à celle de l'Europe. Les Françaises et les Français qui seront formés pour répondre à ce défi seront, demain, les conquérants de toutes les opérations à l'export. Ce n'est pas uniquement l'Île-de-France qui en est in fine le réceptacle, mais bien toute l'économie française. C'est aussi l'une des raisons qui doit dicter notre mobilisation collective et celle des trois familles d'acteurs que j'ai mentionnées précédemment.

J'ai bien compris que la question portant sur l'EPIC faisait référence à un autre EPIC et à une autre dette... En tant que candidat à la présidence du directoire, je ne commenterai pas le sujet, qui est éminemment débattu en d'autres lieux.

Vous me demandez si la fiscalité de l'Île-de-France sera suffisante. On ne peut malheureusement pas encore répondre à cette question. Ce sera l'un des enjeux des prochains mois.

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