Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mardi 17 avril 2018 à 17h25
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, commençons par dire qu'il semble pour le moins étrange que la commission du développement durable ne soit saisie que de cinq articles seulement du présent projet de loi. Le logement est une question sensible écologiquement, c'est un élément décisif de la transition de notre économie vers un modèle soutenable, mais notre commission est tenue en marge de l'essentiel des travaux sur ce texte, de même que Bercy prend bien souvent le pas sur le ministère de l'écologie. Je commence par ce rappel essentiel pour ceux et celles qui penseraient sauver la planète en sauvant 1 million d'euros ici ou là pour des investissements tournés vers l'écologie, alors que la question devrait être le point d'articulation des politiques publiques d'investissement. Dans le cas du présent projet de loi, on peut d'ailleurs parler de sous-investissement. Par une pensée magique conforme aux souhaits de la majorité, le seul choc de l'offre créé par le très original affaiblissement des normes serait de nature à résoudre le problème du logement dans le pays.

Ce mot de « simplification » que la majorité chérit tant, vanté également par le précédent Président de la République et celui qui l'avait lui-même précédé, aboutit toujours à des effets contraires aux intentions proclamées : la multiplication des dispositifs dérogatoires, tels ceux prévus par les articles 4 et 5 de ce projet de loi, en matière d'évaluation et en matière environnementale, rend le droit plus complexe et moins lisible.

Par ailleurs, comment justifier ces niches quand les politiques publiques devraient s'articuler avec un plan climat dont la consistance peine à se dévoiler et qui, chaque jour davantage, ressemble à un mirage bien vain ? Simplifier, simplifier et toujours s'en remettre à l'offre qui, dans la pensée de la majorité, occupe une place divine et sanctifiée que ne vient jamais justifier aucun argument rationnel. C'était déjà ce qui apparaissait dans la stratégie logement au moment du projet de loi relatif, notamment, au droit à l'erreur, qui visait à faire disparaître du code de la construction et de l'habitation l'idée d'obligation de résultat au profit d'une obligation de moyens.

Je veux tout de même tenter de conseiller un principe d'économie politique qui, à l'heure du changement climatique, pourrait vous éclairer. L'écologie impose que l'offre soit disciplinée, pas qu'elle libère ses énergies dans le désordre le plus complet. J'espère que, dans cet esprit, vous adopterez nos amendements de suppression des articles 4 et 5, qui ne présentent d'autre intérêt que de ressasser de vieilles rengaines purement idéologiques sur les miracles de l'offre et la contrainte atroce que poseraient l'existence légitime de débats démocratiques et l'application des normes environnementales. Je vous suggère aussi d'adopter notre amendement à l'article 54. Ce serait un premier pas dans le sens de l'application du principe que je viens d'évoquer. Il n'y a rien dans le présent projet de loi sur l'arrêt de l'artificialisation des sols qui, chaque jour, dans notre pays, renforce la vulnérabilité des villes aux inondations et réduit toujours davantage la surface des terres arables. À quel titre ? Pour construire des projets aberrants comme Val Tolosa ou Europa City ? L'avenir de notre pays doit-il passer par ces centres commerciaux à la gloire d'une société de consommation que nous savons dépassée et archaïque ?

Nous proposons donc une nécessaire interruption de toute nouvelle construction de centre commercial en périphérie urbaine. Je pense que tous, ici, nous sommes conscients de l'urgence écologique, et je formule l'espoir que cette conscience vous fasse adopter notre amendement.

Les objectifs fixés par l'Accord de Paris doivent constituer un seuil minimum que la loi doit rappeler. Aussi proposons-nous d'y faire référence dans le corps de l'article 55. La cohérence générale du texte n'est pas écologiste et ne répond pas aux importantes nécessités du temps présent. La construction triple du projet de loi autour du choc de l'offre, de la marchandisation du logement social et de la précarisation des locataires est à contretemps. Une société fondée sur la réorganisation nécessaire de nos structures économiques et sociales à partir de l'enjeu écologique doit être une société du bien-vivre, pas une société où l'on construit n'importe où, n'importe comment, pas une société où le logement social n'est plus fondé sur un principe de solidarité, encore moins une société où les citoyens sont condamnés à n'avoir que six mois pour horizon stable. Si nous voulons préparer notre communauté politique à faire face au changement climatique, ce n'est pas en rétrécissant les horizons individuels à quelques mois que nous y arriverons. Si nous voulons assurer une atténuation possible et une adaptation efficace à l'ère anthropocène qui a commencé, la stabilité et la solidarité doivent constituer les principes cardinaux de l'action publique. Vous méprisez la première en détruisant la seconde.

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